Le Phénix

Morceaux de textes choisismorceaux1
.Travail

…..Morceau  de  symbolisme

.Thème

Le Phénix

.Auteur. 

….Resp:. Loge Le Phénix de Rosslyn n°21, Orient de Namur    

A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers,

         Dans le prolongement du Travail concernant la Mort, il y aurait lieu de rapprocher la symbolique de la mort et de la renaissance avec le Phénix. L’histoire de cet oiseau mythique à travers les siècles et les civilisations incarne bien des aspects d’un parcours interplanétaire adopté par maintes croyances. Les légendes qui relatent l’existence et la survie de cet oiseau pourraient bien être assimilées à un itinéraire symbolique parcouru par les Maçons depuis leur Initiation au Grade d’Apprenti jusque dans les étapes suivantes des Grades de saint Jean. Dans cette conception, une certaine motivation à insérer l’histoire abrégée du Phénix permet d’illustrer les différentes configurations de la voie initiatique.

         Issu du mot grec ‘’phoinix’’ celui-ci désignait la couleur rouge (couleur du feu) en référence à la légende de sa mort dans le feu purificateur. La graphie du mot Phénix avec un ‘’é’’ et non point « phoenix », trouve sa justification au plan étymologique.

         La réflexion première se résume en un retour sur soi-même : le Phénix renvoie au trajet parcouru depuis la naissance jusqu’à la mort et rappelle le cycle de la vie dans le sens inverse. Engagés dans un autre parcours, à partir du centre de la Terre et à la sortie de la Chambre de réflexion, quand délivrés de notre précédente nature profane, nous accédons au tournant de la re-naissance qui se profile sous le feu de la Lumière : l’Initiation. Par ce renouveau, le Néophyte aura toute faculté à jouir progressivement d’une pleine Lumière qui le mettra en éveil.

         Et les Maçons qui ont atteint ou dépassé le sublime Grade de Maître-Maçon avanceront sur d’autres aspects liés à la symbolique de ce Grade. En effet, on rencontre le Phénix renaissant de ses propres cendres dans la symbolique alchimique, notamment avec le bucher composé de rondins en bois disposés en croix de saint André.  

La Loge ‘’Le phénix de Rosslyn’’ fondée à Namur a généré une réflexion en trois points :

  • la symbolique du Rite Ecossais Primitif à Namur,
  • la symbolique du Phénix dans diverses traditions issues de la mythologie antique,
  • la symbolique du Phénix pour les Maçons du Rite Ecossais Primitif.

         S’agissant des aspects historiques propres au Rite Ecossais Primitif, c’est en 1818 que le REP, dit de Namur, apparaît en Belgique avec quatre Loges, dont le Prince de Gavre était le Grand Maître du Rite. On en trouve les premières traces dès les années 1780. La dernière Tenue à ce Rite aura lieu en 1866. Il convient de rajouter que la Mère-Loge namuroise, « La Bonne Amitié », a été créée au Rite Écossais Primitif alors déjà marqué d’une forte empreinte spirituelle de la même matrice que celle qui lui est connue de nos jours. Il est par ailleurs intéressant de rappeler que ce Rite, d’inspiration militaire, s’est parfaitement intégré dans la société de Namur, à l’époque ville de garnison dont chaque maison de notable du centre-ville possédait une annexe dénommée « la maison de l’officier », et dans laquelle le propriétaire accordait le gîte aux officiers de la citadelle, quel que soit le drapeau sous lequel ils étaient enrôlés. Tradition militaire, tradition d’accueil, tradition maçonnique se trouvent ainsi confirmées sur le vieux Continent.

Le phénix, du grec ancien φοῖνιξ / phoinix, est un oiseau légendaire, doté de longévité et caractérisé par son pouvoir de renaître après s’être consumé sous l’effet de sa propre chaleur. Il incarne ainsi le cycle de la mort et de la résurrection.  Certains voyaient en lui le faisan doré (Chrysolophus pictus), comparé aux oiseaux de paradis et aux flamants roses.  Des oiseaux fabuleux semblables au phénix se trouvent cités dans les mythologies persane sous l’appellation de Simurgh ou Rokh, chinoise sous le nom de Fenghuang, amérindienne (Oiseau-tonnerre) ou aborigène (Oiseau Minka). Il s’agit d’un oiseau légendaire, originaire d’Éthiopie (Afrique de l’est) et rattaché au culte du Soleil, en particulier dans l’ancienne Égypte et dans l’Antiquité classique. D’après la fable, sa résurrection se produisait en Arabie et dans les pays d’alentour, comme l’Égypte, où il était vénéré. Le phénix était une sorte d’aigle de taille considérable dont le plumage se paraît de rouge, de bleu et d’or éclatant pour prendre une apparence splendide. Il n’existait jamais qu’un seul phénix à la fois. Il vivait très longtemps puisqu’aucune tradition ne mentionne une existence inférieure à cinq cents ans. N’ayant pu se reproduire, le phénix, quand il sentait sa fin approcher, construisait un nid à partir de branches aromatiques et d’encens, y mettait le feu et se consumait dans les flammes. Des cendres de ce bûcher, surgissait ensuite un nouveau phénix, qui contrôlait le brasier de mieux en mieux à chaque résurrection ; c’est la raison pour laquelle il est appelé ‘’oiseau de feu’’. Ses ailes se teintaient d’un rouge flamme et se réchauffaient jusqu’à ce qu’un feu ardent en sorte, tandis que son bec pouvait, s’il le voulait, embraser une forêt avec une étincelle aussi puissante que les feux du soleil.

         L’origine du phénix pourrait aussi venir de l’oiseau sacré égyptien ‘’Benu’’, un héron cendré qui fut la première créature à se poser sur la colline originelle issue du limon : il incarnait le dieu du soleil et était associé au cycle annuel des crues du Nil. Il était adoré à Héliopolis où il était raconté qu’il n’apparaissait que tous les cinq cents ans et qu’il se nourrissait de la rosée avant son envol pour des contrées étrangères. Et ce n’est qu’après avoir recueilli des herbes odorantes, qu’il amassait ensuite sur l’autel d’Héliopolis, afin de les embraser et de s’y réduire lui-même en cendres. Il renaissait trois jours plus tard pour une vie renouvelée. En effet, une fois le corps incinéré, un nouveau jeune phénix naissait à partir des cendres chaudes. Après sa naissance, le jeune oiseau porte le corps calciné de son père dans un tronc creux de myrrhe jusqu’à l’autel du soleil pour être brûlé avec les plus grands soins par des prêtres. Quant au phénix grec, la première mention de cet oiseau se trouve dans un fragment énigmatique d’Hésiode :   « La corneille babillarde vit neuf générations d’hommes florissants de jeunesse ; le cerf vit quatre fois plus que la corneille ; le corbeau vieillit pendant trois âges de cerf ; le phénix vit neuf âges du corbeau et nous vivons dix âges de phénix, nous, Nymphes aux beaux cheveux, filles de Zeus armé de l’égide. »

Hérodote est le premier à fournir une version détaillée du mythe :

…….Pour le phénix romain, nous trouvons son effigie sur les monnaies de Trajan et de Constantin Ier (Françoise Lecocq, L’empereur romain et le Phénix, p. 28). Le concernant nous avons repris cette citation :  « Alors que chez Ovide, Pline et Tacite, le vieux phénix se décompose pour engendrer le nouveau, c’est chez Martial et Stace qu’apparaît le thème du bûcher, par analogie avec les pratiques funéraires romaines. »

……Pour les païens puis les chrétiens, cet oiseau mythique évoque le feu à la fois créateur et destructeur qui renvoie l’image du Soleil dont le Feu symbolise la fécondation. Après l’action de destruction, vient la purification qui permet la régénération. Lucifer, qui se présente tel le « porteur de lumière », est précipité dans les flammes de l’enfer, incarne le feu qui toutefois ne consume pas et donc exclut la régénération. Dans certaines crémations rituelles, le feu est considéré comme vecteur ou messager du monde des vivants vers celui des morts.…….Le Moyen-âge païen a vu en lui, à la suite du prosélytisme chrétien, le symbole de la résurrection du Christ. Au-delà, cette interprétation chrétienne s’est largement inspirée du paganisme où le phénix correspond depuis toujours à une notion cyclique immanente, à l’inverse de la transcendance chrétienne. Le griffon était également une représentation du Christ, venant du fait que c’est un animal terrestre (corps de lion) et aérien (ailes d’oiseau). La face terrestre figure le corps du Christ et sa présence sur Terre parmi les Hommes et la face aérienne (céleste) incarne « Dieu », la force spirituelle. Clément de Rome, troisième évêque de Rome après saint Pierre, parle de cet oiseau au chapitre XXV de la lettre aux Corinthiens qui lui est attribuée.

……Dans la symbolique alchimique, il est la destruction et la recomposition de la Materia Prima appelée à être transformée pour devenir pierre philosophale. 
Dans la pensée philosophique et religieuse persane, le farsi (forme parlée du Persan) a nommé Angha ou Ghoghnous tout oiseau mythique qui se consume pour mourir et renaître de ses cendres.
……Dans la tradition chinoise, l’oiseau légendaire Feng-Huang, symbole du bonheur conjugal, est l’équivalent du phénix car il est issu de la réunion de deux forces, solaire et lunaire. Pour les Chinois, cet oiseau mythique aurait été de nature androgyne, c’est à dire qu’il serait mâle et femelle à la fois. Dans ce cas, il représenterait la félicité et l’harmonie suprêmes. Et dans d’autres contrées asiatiques, le phénix ne serait pas hermaphrodite mais bien sexué : le phénix mâle se nommerait Feng et le phénix femelle se nommerait Huang. Les deux ainsi unis formeraient l’allégorie du bonheur conjugal et cette alliance les conduirait au nirvana, au paradis des immortels.

         Alors que dans d’autres légendes, ce qui est étonnant chez cet animal, c’est qu’il n’existe pas de phénix femelle. Il est donc impossible pour lui de perpétuer l’espèce par la procréation. Aussi, afin d’assurer à la race sa survivance, cet oiseau fabuleux est doté d’une extraordinaire longévité pouvant aller jusqu’à cinq cents ans.

         De nos jours la symbolique du phénix est une invitation à la réflexion sur la destinée de l’âme, la renaissance, l’esprit et la lumière. Et si de nombreuses œuvres littéraires ont fréquemment utilisé, hier comme aujourd’hui, la richesse de ce mythe, tels les contes philosophiques de Voltaire « La princesse de Babylone », les écrits de Rabelais ou encore les aventures d’Harry Potter, c’est bien parce que le phénix remplit le rêve persistant de l’homme : celui de renaître de ses cendres, de se délester de ses erreurs passées pour ensuite se reconstruire et poursuivre inlassablement sa conquête de l’éternité.

         Enfin, dans le contexte d’une interprétation maçonnique, il est intéressant d’examiner le Phénix pris sous deux aspects symboliques : le temps mystique et l’espérance.  En tant qu’emblème du temps mythique, le texte biblique de l’Ecclésiaste invoque la périodicité, la répétition, par un perpétuel recommencement de la nature. L’éternel présent est dans la formule sans cesse répétée pour l’historien Jean Bottéro : « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, tout ce qui a été est, et sera, et toutes les œuvres humaines… ne sont que vanité et poursuite de vent ».   Les générations, depuis l’aube de l’humanité, ont toutes compris que notre vie terrestre, même augmentée de celle de tous nos ancêtres, s’inscrit dans une durée qui dépasse notre entendement, tel un mystère rattaché à la notion de temps qui nous dépasse. Ainsi très tôt l’Initié a été conduit à considérer ce temps comme pour mieux le saisir, et dans une certaine mesure le mythe du phénix y a contribué.

         Dans les textes anciens abondamment cités sur le sujet, quand il n’est pas occupé à sa renaissance, la résidence du phénix – son paradis – se situe au-delà de tout horizon, de toute hauteur, à l’Orient, au soleil levant. 
D’après Virgile, il ne quitte son éternel printemps, que pour se rendre sur Terre dans un lieu où règne la mort. Là, le moment venu, il rassemble les brindilles de camphrier, de l’encens pour allumer le feu de sa régénération. Selon la légende, ce lieu a pris dans l’antiquité le nom de Phénicie, si l’on se reporte justement à ce mythe.

         Connaître c’est renaître à la Lumière, être initié. 
 Etre initié, c’est se placer dans l’Espérance de la Vérité, non de celle d’une récompense, mais de la force qui permet notre dépassement par une dualité, celle de la Foi et de la Raison. 
Il revient au Franc-Maçon de garder les yeux ouverts sur cette espérance d’un lieu d’éternité et d’un temps aboli, d’une Vérité qui éradique les souffrances de la vie et l’angoisse de la mort. Notre raison sourit à ce vœu, notre foi rend possible cette quête d’absolu indispensable à notre existence.  Car :

  • qui n’a pas rêvé d’être le gardien et le prêtre d’un Eden ensoleillé empli des êtres chers, les parents disparus, et régi par les vertus les plus hautes ?
  • qui n’a pas envisagé l’optimisme utopique d’une vie éternelle à l’image du phénix, à l’abri des douleurs et des souffrances, des maladies et des peurs ?

Les poètes n’échappent pas à cette ambition de voir au-delà de la réalité, quitte à convoquer les paradis artificiels pour fuir les réalités matérielles.  Thomas More y voyait la cité idéale, emplie des vertus tendues vers le Bien, il l’a payé de sa vie.  Augustin dans « la cité de Dieu » imagine plus de dévotion à l’égard de la cité idéale, bien supérieure en qualité à la cité des hommes, et approche par l’esprit la Jérusalem céleste.

(travail déposé sur le site en janvier 2014)

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