…………….Morceaux de textes choisis | ||
Travail | … .Les heures symboliques aux trois premiers Grades | |
Thème | Il est Midi plein | |
Auteur | ……Un Membre de la Grande Loge Française REP |
A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers,
La Franc-Maçonnerie utilise un langage ésotérique truffé de symboles dont la profondeur de leur compréhension n’est réellement accessible que par les Initiés. La lecture des rituels maçonniques trébuche souvent sur des exposés symboliques plus ou moins ardus à l’interprétation, parce que matériellement incarnés par des Outils qui proposent une traduction logique par leur forme et leur destination pratique, à l’exemple de l’Equerre qui symbolise une certaine rigidité morale. Il en est d’autres, plus abstraits, proposant une herméneutique plus vaporeuse que seul l’esprit rôdé à l’abstraction peut saisir instinctivement, notamment dans l’allégorie des heures Midi et Minuit. Certains passages de nos Rituels semblent anodins en première lecture, et pourtant aucun d’eux n’est insignifiant ou quelconque dans le rituel maçonnique. Les allégations, qui sont la composante du Rituel, offrent des trésors pour la méditation symbolique ou pour la spéculation cérébrale.
………Penchons-nous sur l’heure de Midi, pour s’attarder sur le sens de cette heure symbolique. Ainsi, à l’ouverture des Travaux, le Vénérable interroge le Premier Surveillant : ‘’A quelle heure s’ouvre une Loge régulière d’Apprenti ?’’. La réponse qu’il fournit ‘’A Midi’’ est confirmée par le Second Surveillant qui insiste : ’’Midi plein’’, lequel ajoute cette précision à l’identique aux trois Grades de saint Jean. A cet instant, les Frères sur les Colonnes sont informés de l’heure exacte, au sein même du Temple préalablement éclairé, où sont appelés au Travail dans une communion fraternelle les Membres présents sur les deux Colonnes. Une Loge maçonnique tient assemblée dans le cadre du lieu sacralisé qu’est le Temple, une affirmation très logique dans l’esprit des Frères et Sœurs placés sur les bancs des Colonnes du Nord et du Sud. Quant à la Chaîne fraternelle, elle influe ses bienfaits dans une suave ambiance favorable à la réalisation parfaite de l’œuvre commune. Cette atmosphère est aussi nécessaire que profitable à toutes les actions humaines qui vont dans le sens de la Concorde. L’édification du Temple universel n’est-elle pas un but philanthropique cher à notre idéal maçonnique et conforme à sa finalité ? Parallèlement au Soleil qui prend place symboliquement à l’Orient, côté Colonne du Midi, le Second Surveillant siège à l’Occident Sud et c’est lui qui annonce au Vénérable l’heure à laquelle débutent les Travaux. Par sa position il est en mesure d’observer le mouvement du Soleil et confirmer quand Midi n’est plus, parce que la première moitié du jour commence son cycle à Midi plein pour prendre fin à Minuit. En effet l’heure de Midi une fois achevée donne Midi plein qui est l’heure de la plénitude, de la pleine Lumière pour éclairer utilement les Travaux.
………La question des heures de travail reste encore posée : pourquoi commençons-nous à travailler à Midi plein et non à une autre heure ? d’autant que sont imposées aux ouvriers mis à l’œuvre douze heures de travail sans relâche prenant fin à Minuit, à l’instant même où les Etoiles se substituent au Soleil sous la voûte du ciel. Ainsi c’est après Minuit, soit à Minuit plein que tous perçoivent leur Salaire, y compris les Maîtres-Maçons, quant à eux mis à l’ouvrage, étant satisfaits du labeur des Apprentis et des Compagnons. Avant la Fermeture des Travaux, à la question du Vénérable ‘’A quelle heure se ferme une Loge d’Apprenti ? ‘’, le Premier Surveillant répond ‘’à Minuit’’ immédiatement suivi de la précision ajoutée du Second Surveillant ‘’Minuit plein’’.
En effet Minuit plein a dépassé le créneau horaire de Midi plein à Minuit. Revenons encore sur l’heure de Midi. Nous pouvons trouver une possible évocation symbolique de cet horaire précis chez certaines religions antiques. Certes, les symboles solaires pullulent dans les sagas des dieux, sur des fresques, dans les lieux de culte et leurs rites sacrés, où le soleil occupe une grande place dans les cosmogonies religieuses, car cet astre brillant dispense la Vie parce que sa lumière anime l’existence.
Comme à la création de l’Univers, le Soleil est bien présent dans la Loge maçonnique, son image s’incarne à l’Orient côté Colonne du Midi. N’oublions pas que bien souvent les Rites maçonniques, dont le Rite Ecossais Primitif, sont des Rites solaires calés sur la rotation quotidienne du soleil selon l’alternance jour / nuit. Ainsi, la déambulation dans le Temple, sans marquer les angles à l’identique du soleil, est réglée dans le même sens que celui des aiguilles d’une horloge qui avancent avec la progression des heures qui passent. En revanche, les Travaux de table qui suivent une Tenue ne sont pas réglés sur le système solaire et ne sont en conséquence pas soumis à un horaire. A Midi, heure symbolique, le soleil est à son zénith et c’est à ce moment précis de Midi plein que commencent les Travaux initiatiques à l’appel du Vénérable, comme nous l’avons rappelé ci-avant. Le Soleil au Zénith ne crée pas d’ombre allongée car il se trouve, à midi, dans la stricte verticale avec le Franc-Maçon. Une projection linéaire et ascendante relie donc le Franc-Maçon à cet astre. Le Soleil s’entend donc tel un indice géométrique régulateur des étapes traversées dans le microcosme du Temple, car cette projection devient métaphysique par l’infinité de son ascension. Ne serait-ce pas dans cette logique qu’il y aurait lieu de percevoir le symbole de l’heure de Midi, qui marque le départ du premier cycle du jour, et celui de l’heure de Midi plein dont la fin du cycle est fixée à Minuit ?
…….L’instruction dialoguée au Grade d’Apprenti nous enseigne quant aux heures de Travail. ‘’Elles signifient que l’homme atteint la moitié de sa carrière, le midi de sa vie, avant de pouvoir être utile à ses semblables, mais que dès cet instant jusqu’à la dernière heure, il doit travailler sans relâche au bonheur commun.’’ Par ailleurs, la même Instruction nous révèle que ‘’le Soleil apparaît à l’Orient pour ouvrir le jour’’. Quant au Rituel, il stipule que le Soleil commence sa carrière à une partie du Globe qu’est l’Orient (tel qu’il est placé dans le Temple). Dans ce prolongement, et à l’exemple du Soleil qui termine la carrière du jour à l’Occident, soit à Minuit, les Surveillant s’y tiennent pour accompagner le Vénérable dans la Fermeture de la Loge, donner aux Ouvriers et aux Maître leur Salaire et les renvoyer contents à Minuit plein après la totale extinction des Lumières…, parce que Minuit plein n’est donc plus l’heure de Minuit.
……..Et cette fameuse verticalité abordée ci-avant, qu’est-elle ? Elle pourrait être associée à une position physique propre à l’homme debout et en action, un concept intellectuel liant les mains, qui accomplissent le Travail, jusqu’à la tête qui conçoit, et au cerveau qui régit la notion de l’abstrait à concrétiser. Ainsi, un Sage de l’antiquité (500-428 av. J.C.), Anaxagore écrivait ‘’L’homme pense parce qu’il a une main’’. Du plus lointain des Siècles, l’Homme s’est placé en acteur de la construction d’édifices dans le Travail de la Pierre avec la complicité de la Lumière, où le duo ‘’Pierre / Lumière’’ seraient les Outils d’une élévation spirituelle. C’est sans doute là la trajectoire du point Alpha vers le point Oméga, si chère au Père Teilhard de Chardin. Cette projection verticale et continue de l’esprit permet à l’homme la compréhension de la Création et de son Auteur. Du Nadir vers le Zénith, cette même projection ascendante de l’esprit vers l’Absolu s’avère être aussi la quête spirituelle du Franc-Maçon. Cette ascension parviendra au Graal de la Connaissance située dans une dimension, que seul son esprit peut concevoir.
Les Francs-Maçons sont des hommes qui se maintiennent en toutes circonstances dans une posture (autant physique que morale) de droiture. Cette attitude de l’esprit est une condition de dignité qui leur donne l’accès au lieu glorifié qu’est le Temple. Leur position verticale traduit aussi qu’ils sont des hommes libres. Un homme libre est toujours debout car la liberté méprise la soumission arbitraire qui fait courber l’échine. Ce n’est pas par manque d’humilité, puisque le Profane n’a pas à être humble de ce qu’il ne connaît pas encore. Ainsi, le Candidat à l’Initiation pénètre dans le Temple debout, les yeux bandés sans avoir à être courbé pour franchir la porte, précision étant ajoutée ici qu’aux trois Grades symboliques il n’y a jamais eu de porte basse en la Maçonnerie de Tradition. Le Franc-Maçon refuse la soumission à l’obscurantisme, à la vénalité et à l’asservissement. Le Franc-Maçon, homme libre, n’a pas à se courber et vivra sa vie dans la droiture, s’appuyant sur la rigidité de sa morale. A cet égard, il y a lieu de souligner que le Récipiendaire, à qui la Lumière sera donnée, est reçu avec le concours des Membres Glaive en main droite, lame à la verticale pointe haute, et non pas l’Epée à l’oblique dirigée contre l’Impétrant, apparemment de façon agressive. De même qu’au repos ou en position assise durant les cérémonies rituelles, le Franc-Maçon s’impose une posture droite qui épouse parfaitement à l’équerre l’assise du siège et son dossier, les mains posées à plat sur les cuisses. L’Amour fraternel que nous évoquons si souvent, parfois sans conviction vraiment marquée, sinon pour réciter un catéchisme, se trouve au carrefour de la droiture et de la dignité qui doivent se croiser sans cesse. L’amour fraternel que nous évoquons si souvent, parfois sans conviction vraiment marquée, sinon pour réciter un catéchisme, se trouve au carrefour de la droiture et de la dignité qui doivent se croiser sans cesse.
………Vénérable, et vous tous mes Frères et Sœurs, il est Midi plein, heure symbolique, nous sommes tous présents dans le Temple de la Concorde universelle. Rectifions notre position et donnons-lui la stricte verticalité afin que l’ombre allongée cache les Métaux encore laissée sur nous. Dans ce lieu de Lumière vive puis tamisée, nous nous considérons mutuellement comme des Francs-Maçons, tant il est vrai que nous le sommes par le regard des autres Initiés. Laissons maintenant descendre la Perpendiculaire dans le tréfonds de nous-mêmes et posons-nous ensuite la seule question ‘’suis-je un homme debout, y compris à Minuit quand vient la pénombre ?’’.
(Travail déposé sur le site en novembre 2014)