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Les Devoirs d’un Franc-Maçon en Loge

Morceaux de textes choisis

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 Travail 

Regard sur le Rituel au premier Grade du REP

 Thème 

Les Devoirs d’un Franc-Maçon en Loge 

 Auteur

Elisabeth Mutel ……

A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers,

Après avoir sollicité l’aide de tous les Frères pour ouvrir la Loge, le Vénérable change de ton et interroge le deuxième Maillet comme suit ‘’Frère 1er Surveillant, quel est le premier Devoir d’un Maçon en Loge ? ’’. Par cette simple question, nous sommes confrontés aux réalités du contexte de la Loge au Grade d’Apprenti, et au premier abord les réalités de l’organisation de l’ouverture d’une Tenue régulière. La première condition de cette ouverture met en scène tous les participants, de l’Orient à l’Occident et du Nord au Midi, conviés à soutenir l’action entreprise par le Vénérable. Ainsi, toute l’Assemblée est associée dans une même tension à un effort collectif, alors que c’est plus précisément l’Occident qui est interpellé sous la forme d’un questionnement et non pas d’une requête. Dès lors, le premier Officier requis est donc le Premier Surveillant, ensuite le Second Surveillant, chacun ayant une fonction particulière et exigeante assumée par ces deux Maîtres-Maçons, dont l’expérience et la rigueur sont au service de tous. Les deux Surveillants, chargés de guider, pour le premier les Compagnons au Midi, pour le second les Apprentis au Nord, sont investis de l’autorité que leur confère leur Office. Mais cette autorité n’a de sens que si elle s’appuie sur le dévouement, dont ils sont l’expression parfaite autant que la loyauté, qu’ils ont promis d’observer lors de leur investiture solennelle. Ils garderont à l’esprit leur engagement prononcé à l’occasion du Cérémonial de Constitution d’une Loge, au cours duquel ils ont juré, en présence du Grand Architecte de l’Univers, de maintenir la Colonne qui leur est respectivement confiée. De même, qu’ils ont promis de suivre les instructions du Vénérable, de remplir avec zèle et dévouement les Devoirs de leur Charge, d’aimer tous les Frères et Sœurs, comme d’être loyaux et bienfaisants envers tous les hommes, priant Dieu de leur venir en aide.

Sans Surveillants, il est impossible d’ouvrir la Loge et cela est implicitement souligné dès la deuxième adresse, par laquelle ils auront à s’assurer, auprès du Frère Terrible, de la couverture du Temple, qui est impérativement nécessaire. A cet effet, nous reprenons le propos d’Alain Pozarnik (Grand Maître de la Grande Loge de France) : « L’harmonie ésotérique de la Loge n’est pas due au hasard mais procède d’un ordre qui a besoin d’être surveillé pour permettre l’ouverture ». La première intervention du Vénérable concernait ‘’le premier Devoir’’ ce qui sous-entend qu’il y en a d’autres.  Attardons-nous sur ce que nous enseignent notre Rituel au Grade d’Apprenti et son Instruction dialoguée.  Lors de la Cérémonie de sa Réception, le jeune Initié est immédiatement confronté à l’énoncé de deux Devoirs fondamentaux qui le suivront tout au long de son parcours initiatique. Il découvre alors qu’il est soumis à une prestation de Serment, selon laquelle il promet de ne jamais divulguer à aucun Profane les Secrets de la Franche-Maçonnerie, constituant un Devoir de réserve et de Silence, auquel il s’oblige sans condition durant tout son apprentissage.  Lorsqu’il recouvre la Lumière, quand le Bandeau lui est retiré, le Vénérable tient un propos inquiétant puis le rassure immédiatement : « Mon Frère, ces glaives que vous voyez relevés, pointe haute, seront autant d’armes prêtes à vous percer le cœur si vous trahissez votre Serment. Mais dans le cas contraire, ils serviront votre défense et tous les Francs-Maçons s’empresseront de venir à votre secours en toutes les circonstances où vous pourrez avoir besoin d’eux. »  Ainsi, à ce Devoir viennent s’ajouter non seulement les Devoirs de Fraternité au titre de ses sentiments qui le conduiront à être ‘’l’ami du riche comme du pauvre, s’ils sont vertueux’’ et d’assistance, mais également encore bien d’autres Devoirs plus précis énoncés dans l’instruction dialoguée, et résumés en de courtes répliques. Aussi, et pour répondre exhaustivement au thème de ce travail, ces Devoirs ou obligations sont repris un à un.  A la question ‘’Quels sont les Devoirs d’un Franc-Maçon’’, il sera répondu ‘’fuir le vice et pratiquer la Vertu’’. En fait, dans la Loge de saint Jean, l’Apprenti apprend qu’on y élève des Temples à la Vertu et que l’on y creuse des cachots pour le vice.

Nous citons également le Devoir de prudence, qui invite l’Apprenti à se méfier de lui-même et à craindre de porter un jugement avant d’avoir fait appel aux Lumières de ses Frères. Celui-ci précède le Devoir de rigueur qui le conduira à une obligation de mesure dans ses actions qui doivent être justes et dignes envers autrui. Ainsi, il sera reconnu à sa façon d’agir, toujours équitable et franche, à son langage loyal et sincère, enfin à la sollicitude qu’il aura à manifester, auprès de tous ceux qui forment la Chaine fraternelle, et qui sont rattachés par les liens de la solidarité. Durant son Initiation le Vénérable l’interpelle sur le concept absolu de Fraternité qui unit les Maçons, faisant d’eux des Frères et des Sœurs au sens absolu du terme au titre de l’Institution maçonnique prise dans le sens d’une immense famille. Aussi, il appartient à tous les Maçons de considérer et de chérir leurs Frères et Sœurs en quelque lieu, où ils peuvent se rencontrer, de quelque Nation qu’ils soient, et quelle que soit leur religion.

Cette succession des Devoirs du Franc-Maçon nous révèle une lourde omission qu’il est indispensable de corriger. Elle consiste dans l’application d’une obligation primordiale des Maîtres-Maçons en général envers tout Initié en particulier, quant à un impérieux Devoir de transmission. Ce Devoir reste la tâche essentielle, non seulement des deux Surveillants, mais de tous les Officiers. Ce Devoir purement maçonnique est nécessairement rappelé ici pour que chacun s’oblige à délivrer une instruction permanente dans un esprit égalitaire, afin que tous, de l’Apprenti au jeune Maître, soient à l’unisson dans la connaissance et les instructions propres à chaque Grade symbolique. Dans notre vie profane, nous baignons dans un cheminement prenant nos repères dans les traditions et un enseignement qui nous est proposé par notre environnement individuel, familial, éducatif et professionnel.

Aussi, il convient de mettre l’accent plus précisément sur une nouvelle culture aux racines celtique, écossaise et irlandaise qui imposent un autre vocabulaire et un style différent. Le tout s’appuie sur une littérature maçonnique, aux sources bibliques et philosophiques, sans oublier les coutumes, mythes et légendes. Cet aspect de l’enracinement culturel propre à la Franc-Maçonnerie ne doit pas être négligé au risque d’une lassitude, voire d’une complexité par rapport au vécu qui diffère totalement des usages modernes.  Dans l’espace public, nous associons le plus souvent la notion de Devoir à un acte contraignant, à une obligation qu’il nous faut remplir par la force des choses, sous la pression d’une sanction en cas d’inexécution. Cette association malheureuse n’est que la conséquence de notre tournure d’esprit issue d’une mémoire collective qui prend souche dans un idéal de liberté (somme toute très fictive) et une valorisation douteuse de Droits estimés naturels, indifféremment de tout mérite.  Fuir l’effort personnel en se réclamant de Droits que l’on croit légitimes, telle une tendance presque instinctive, oublieux que nous sommes de nos Devoirs et de nos engagements contractuels et familiaux, plus simplement dans une confusion totale entre Devoirs et Droits.  La Maçonnerie anglo-saxonne et celle opérative se référaient à une autre Tradition, dont le tronc essentiel subsistait dans le concept de Devoir. Ce n’est pas un hasard si les plus vieux textes maçonniques portent le nom générique de ‘’Old Charges’’ ou ‘’Anciens Devoirs’’. Les premières obligations maçonniques instituées dans le Vieux Continent n’étaient limitées que par ces Devoirs codifiés, alors que nous avons inversé tout simplement le rapport Devoir / Droit en limitant tout Devoir à une codification des Droits. C’est pourquoi, la Franche-Maçonnerie écossaise de Tradition, par touches successives, telles un signe précurseur, rétablit la notion incomprise de Devoir en appelant à notre raison les responsabilités des Officiers et du Vénérable. Citant à nouveau Alain Pozarnik, nous devons bien saisir que « Notre conscience d’homme exige qu’à tout moment, pour faire face à nos responsabilités, nous nous posions clairement la question ‘’quel est notre premier devoir ?’’ là où nous nous trouvons. Il n’est pas une place, pas un moment qui n’exige un geste juste pour répondre à l’ordre universel. Un acte juste, accompli dans un temps juste, rejoint la dimension cosmique et sort du temps pour s’intégrer au mouvement général de l’unité universelle. »

En acteur responsable, ainsi se définit de Devoir du Maçon. Et c’est à la réalisation de ses Devoirs, ici et maintenant, que dépend son ascension spirituelle.  Car enfin, si nos Devoirs ne se réalisaient pas concrètement, nous aurions seulement des velléités de Fraternité, nous ne vivrions que des rêves de spiritualité, des fantasmes de Sagesse. Celui ou celle qui ne remplit pas ses Devoirs n’a pas sa place dans l’égrégore de la Loge, sauf à être maladroit, voire mal à l’aise selon sa conscience.

C’est pourquoi, rien n’est laissé au hasard dans les Rituels. Chaque Officier a une place bien précise (géographique, structurelle formant la base du Triangle descendant formé par les Trois Maillets de la Loge, et stratégique). Chaque élément a une place invariable dans le Temple, dont nombreux sont ceux communs en plusieurs Rites, et chaque place constitue un lieu de convergence d’influences particulières qui impliquent l’accomplissement d’actes ritueliques. L’expression, selon laquelle il est dit qu’une chose ou quelqu’un n’est pas à sa place, nous éclaire sur la convergence entre place et devoir. Dire de quelqu’un qu’il n’est pas à sa place sous-entend qu’il se trouve en incapacité ou placé par négligence, si bien qu’il ne remplit pas les Devoirs inhérents à sa place.  L’Apprenti Franc-Maçon a, bien entendu les Devoirs propres à sa place sur la Colonne du Nord : Devoir de Silence pour favoriser la réceptivité, Devoir d’assiduité pour faciliter l’acquisition de Connaissance, Devoir de dégrossir la Pierre brute, pour tendre vers la rectification de son ignorance.

Pour terminer cette réflexion sur les Devoirs, nous nous référons cette fois à Irène Mainguy :  « Les rituels, tout comme les symboles, ne sont pas une fin en soi, mais ils sont un moyen d’accès en tant que véhicule des symboles. Partant d’un chaos, le Rituel met en place un ordre et une harmonie … Le rite se déroule dans un temps privilégié, de Midi à Minuit…. l’enceinte du Temple une fois fermée devient un enclos sacralisé. Une fois les passions ou les métaux laissés sur les parvis, chaque phase du Rituel (coups de Maillet, paroles, gestes et mouvements,…) prépare un climat de réceptivité et d’ouverture intérieure…. Le Rituel marque intensément petit à petit chaque participant même à son insu : par sa pratique régulière, l’être s’intègre dans une Fraternité devenant le maillon d’une Chaine fraternelle. »

Pour clore ce sujet, on peut affirmer que si les Devoirs et les Obligations sont nombreux, les droits sont infimes ou presque absents.

Travail mis en ligne en avril 2023