A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers,
Outre les Marches (au nombre de trois au Grade d’Apprenti et de cinq au Grade de Compagnon), trois Fenêtres figurent sur le Tapis de Loge des deux premiers Grades symboliques.
Quelle est la signification des trois fenêtres ? Et pourquoi trois ?
Une pour Dieu, une pour le Ciel, une pour la Terre. Ou bien serait-ce : une pour l’Homme, une pour la Femme, une pour l’Enfant ? A moins qu’il ne s’agisse d’une pour notre corps, d’une deuxième pour nos émotions, et d’une troisième pour notre pensée ? Réflexion d’apprenti ! insuffisante. Le mot ‘‘Lumière’’ s’impose à l’esprit pour que la Lumière fût, surgissant d’une Fenêtre. Fenêtre et Lumière : une évidence de complémentarité. La fenêtre étant l’ouverture, elle permet à la lumière de cheminer pour devenir celle du cosmos, celle de toutes les créatures, celle de toute vie créée par Dieu, celle qui perce le ciel et la Voûte étoilée pour illuminer la Terre, animer la Création et éclairer la Vie. Pour connaître le monde, l’homme est doté de cinq sens qu’il sollicitera au fil du temps pour grandir et progresser, s’enrichir et jouir, et plus généralement accomplir sa vie après avoir côtoyé les éléments qui désormais l’entourent : la Terre, l’Eau, l’Air et le Feu. Ainsi l’odorat lui permettra de saisir la diffusion des parfums ; ainsi la vue lui offrira la découverte de l’Univers et la perception de la beauté de la Création ; ainsi l’ouïe lui donnera la faculté de l’écoute pour une perception de la Parole et du Verbe ; ainsi le goût lui procurera les saveurs de la nature ; ainsi le toucher le rapprochera de ses Frères.
…….Un sixième sens parvient jusqu’à l’Apprenti : celui de l’intuition que développe la Lumière, dénominateur commun des cinq premiers. Un chemin s’impose alors à sa réflexion : celui emprunté par la Lumière à travers les trois fenêtres. Mais de quelle matière est cette Lumière : naturelle ou divine ? créée ou incréée ? De quelle composition sont ces fenêtres : ouverture réelle dans le Temple ou évocation d’un passage de la Lumière d’un état à un autre état ?
S’il observe le Tapis de Loge au Grade d’Apprenti, il verra que sont bien présentes trois fenêtres grillagées présentées à l’Orient, au Midi et à l’Occident. Le dictionnaire symbolique et pratique de la Franc-Maçonnerie de Jean Ferré donne une interprétation de la symbolique des Fenêtres par deux visions différentes de la source de la Lumière extérieure, qui pénètre dans le Temple, malgré leur grillage qui protège les lieux de toute intrusion par les Profanes, soit :
- celle de la lumière qui éclaire le côté opposé à sa source. C’est pourquoi, les Apprentis situés sur la Colonne du Nord reçoivent la Lumière venant du Midi, les Compagnons placés sur la Colonne du Midi reçoivent la Lumière de l’Etoile flamboyante, et le Vénérable reçoit la Lumière venant du Couchant.
- celle de la lumière qui éclaire le côté par où elle s’infiltre. Au Levant, le Soleil éclaire le Vénérable qui constate le Travail des Apprentis et des Compagnons appelés à l’Œuvre. Le Soleil atteint le Zénith à Midi plein où les Maîtres sont mis à l’Ouvrage et il termine la carrière du jour au Couchant. Au retour de l’obscurité à Minuit plein, il est l’heure de cesser les Travaux, les Surveillants paient les Ouvriers et les renvoient contents.
La seconde vision paraît correspondre à la stature du néophyte et de sa récente naissance à la Lumière. Sa vision doit s’accoutumer doucement à la Lumière qui ne doit pas l’éblouir.
……..Cet état rappelle une pensée de Bossuet : « Nous saluons tous en entrant au monde, la lumière du jour par nos pleurs ». Je transposerai ces larmes aux gouttes de pluie qui arrosent les cathédrales et ses vitraux pris comme une ouverture sur la parole divine. Car les larmes du corps s’identifient à l’élément vital de l’eau qui provient de différentes sources de l’univers ; tel un prisme chargé de lumière transportée par l’air et divers courants dans un souffle divin, que recherche avec difficulté le nouveau-né pour communiquer avec le monde. La vie à la création de l’Univers est semblable au phénomène du ‘‘Big Bang’’, modèle cosmologique utilisé par les scientifiques, car la vie met en confrontation l’homme avec les éléments dès ses premiers instants sur Terre. Mais les auteurs maçonniques ne s’entendent pas sur le caractère plus ou moins obscur de la Colonne du Nord, comme s’ils prenaient les Fenêtres pour un symbole d’ouverture réelle du Temple sur le monde extérieur. Or, la plupart des Temples sont dépourvus de réelles fenêtres. En outre, le Temple est un lieu clos à l’abri de la lumière du monde profane. Dans l’enseignement au Grade d’Apprenti, il est précisé que dans le Temple naît d’elle-même la Lumière par sa communion avec les symboles. De plus, le Temple contient l’Univers.
…….Dès lors, quelle est l’utilité de ces Fenêtres ? N’étant certainement pas des ouvertures réelles dans les murs d’enceinte du Temple, elles ne peuvent que figurer sur le Tapis de Loge, en tant que symbole qui n’a de signification que pour l’Initié. Une pensée de Pascal traduit bien cette vision : « Il y a en Dieu assez de Lumière pour ceux qui ne désirent que voir et assez d’obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire ». Et ce questionnement du même Pascal « ô mon Père d’où Molina a-t’il pu être éclairé pour déterminer une chose de cette importance, sans aucun secours de l’écriture, des conciles ni des Pères ? Je vois bien qu’il y a des lumières bien particulières ». Nous pouvons en déduire que la Lumière n’est visible qu’en compagnie de l’ombre, et bien vraisemblablement de celle de la Colonne du Nord, qui trouve là son utilité vitale pour le Temple. Ces Fenêtres suggèrent le lieu de communication entre le monde créé et le monde incréé, entre la lumière invisible et la Lumière révélée, que Montesquieu évoque ainsi : « on discutait dans l’Empire d’Orient si la lumière qui apparut autour de Jésus-Christ sur le Thabor était créée ou incréée ». La lumière créée n’était-elle pas celle de Dieu envoyée sur le mont Thabor pour l’aveuglement des hommes ? (la première mention du mont Thabor (Alpes françaises) remonte au XVIIe siècle).
…….La Lumière révélée étant celle qui naît dans le Temple, les trois Fenêtres seraient-elles en rapport avec les quatre points cardinaux ? Selon Samuel Prichard, les trois Fenêtres sont censées exister en tout lieu où se tiennent les Travaux, mais ce sont plutôt les quatre points cardinaux, selon les anciennes règles de la Maçonnerie. Didier Michaud nous donne une autre interprétation, celle de ‘‘vouloir dire que le trois et le quatre sont, sous un certain aspect, semblables et l’on pourrait alors penser que tous deux sont des prolongements ou des résolutions possibles de la dualité créatrice, ou bien si l’on considère que la Ternarité (approche croisée avec le ternaire et la triade) est première en tout, que le Quatre en est la première manifestation naturelle’’.
…….Nous constatons que les Trois Fenêtres donnent son orientation au Carré long, dont les quatre côtés correspondent aux quatre points cardinaux, le Nord semblant ne pas avoir besoin de fenêtre, dans la mesure où il demeure dans l’obscurité. Plus essentiellement, cette Fenêtre du Nord ne symboliserait-elle pas la voix et la lumière de notre conscience, invisible puisqu’en lien direct entre notre moi et le créateur ? Mais sous quelle forme cette Lumière apparaît-elle à nos sens ? A cette question, Descartes apporte un sujet de réflexion essentiel qu’il traduit par : « L’idée que nous avons de l’entendement divin ne me semble point différer de celle que nous avons de notre propre entendement, sinon, seulement comme l’idée d’un nombre infini qui diffère du nombre binaire ou ternaire ». Aussi, les plans de lumière perçus par notre entendement seraient-ils de nature ternaire, comme DIEU-CIEL-TERRE / HOMME-FEMME-ENFANT / CORPS-EMOTION-PENSEE ? la réflexion de l’Apprenti posée en préambule serait-elle pertinente ? La Lumière de Dieu suggérant l’infini au Profane, ne serait-elle pas transformée en Lumière ternaire, à travers les trois Fenêtres, pour devenir Lumière révélée dans le Temple, d’autant plus que TROIS est la formulation de UN dans le monde créé.
………Dieu créateur est à l’origine de toute Lumière, celle-ci naissant à l’Orient ; et le Temple étant orienté vers l’Orient, il reçoit la Lumière originelle par le ternaire des trois Fenêtres. Les trois Fenêtres sont-elles le lieu de passage de la seule Lumière, en triangle, tel que leur emplacement sur le Tapis de Loge l’envisage ? Non, elles dessinent le parcours du passage de l’air et du son :
- de l’AIR, transporteur de la lumière ; des odeurs et du son, nous savons qu’ils sont substance essentielle à la vie sur terre. Cet élément Air est un don Dieu, un trait d’union entre lui et la Terre. L’air est le souffle de vie du créateur de l’univers ;
- du SON qui génère l’ouïe, pour comprendre le Verbe du Créateur, et le vocal pour transmettre la Parole perçue. Les anciens partis à l’éternel Orient, source de la création, nous insufflent la transmission de la Tradition afin de nous aider à percevoir le Mystère de la Création, à l’exemple des vitraux des cathédrales qui imagent les saintes Ecritures offertes au regard du fidèle venu prier. Depuis les trois fenêtres transpire cette Parole qui suggère une signification aux choses.
Enfin, les trois fenêtres du Tapis de Loge sont grillagées au premier Grade. Quelle en est la signification ? Ne pas laisser entrer l’intrus ainsi que nous l’évoquions plus haut ? Interprétation difficile à soutenir dans la mesure où le Temple contient l’univers dans son entier. Il semble donc que ces grilles ont l’utilité de nous rappeler, lors des Travaux en loge, que le Temple est hermétique et protégé du regard des profanes. Aussi, ces grilles pourraient fort bien symboliser le passage hermétique du souffle divin et lumineux sur nos travaux.
Cette réflexion des trois Fenêtres, essentiellement nourrie d’une introspection et de l’analyse de quelques pensées de grands observateurs de la création, nous conduit à davantage d’humilité, de tolérance et d’amour. Et pour l’Apprenti, son intuition pourrait l’inciter à prétendre que les trois Fenêtres symbolisent la solidarité, faisant cheminer de trois en une le même souffle lumineux du créateur sur nos Travaux et sur la Chaine fraternelle que nous formons au sein de la Loge.
……..Nous pouvons retenir de ce cheminement que la vanité et l’accessoire sont les ennemis de toute charge. Nous ne pouvons préserver notre identité d’Initié que sur la voie de l’essentiel, de l’unicité, dans un passage bordé des Piliers qui entourent le Carré long et des trois Fenêtres figurant sur le Tapis de Loge. Le voyage dans le sillon de la Lumière divine, tous l’ont parcouru à tâtons, mus par la foi autant que par le toucher de chacun des Frères et Sœurs, pour toujours ressentir un sentiment de solidarité, attaché au souvenir des trois Fenêtres du Tapis de Loge, pris en tant que référence et synthèse des Travaux en Loge d’Apprenti au Rite Ecossais Primitif.
(travail déposé sur le site en juin 2014)