Morceaux de textes choisis |
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Travail | Etude et réflexion | |
Thème |
le Pilier BEAUTE |
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Auteur | …. ..par un Jacobite de la Grande Loge Française REP |
A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers
Nous ignorons si la Beauté est une recherche persistante ou l’aboutissement d’un état matériel ou moral, mais ce que nous ressentons d’instinct est qu’elle est une forme de perfection que nous convoitons pour l’appliquer dans toutes ses représentations. Il ne fait aucun doute que dans notre quête de la Beauté qui nous intéresse, nous focalisons d’abord notre attention sur l’insatiable splendeur de la nature et nous en prenons conscience dans le parcours de la Lumière naissante à celle la plus vive, dès le début de la carrière du jour jusqu’à l’arrivée des Ténèbres, dans lesquelles la Lumière luit sous les feux des Constellations. Dans ses étapes, elle est un fil conducteur au rayonnement qui révèle Géométrie, Cycles et Régénération, bref sur l’observation des séquences de l’Univers.
D’aucuns pourraient imaginer que le Mal est une émanation, comme la Beauté serait une expression plastique ou tout autre interprétation qui fait appel au temps, à l’espace et à la force physique. En ce qui nous concerne, cela n’a rien à voir avec l’esthétisme des corps et des formes, mais bien quand ceux-ci offrent une composition pure et intemporelle modelée avec le temps qui passe. Sans y voir une beauté factice et éphémère, notre inspiration s’attacherait plutôt à une harmonie née de l’assemblage organisé et structuré d’éléments les plus divers. C’est une plénitude qui progresse avec la durée, un paramètre de l’Univers, un but pour notre esprit qui prend son essor dans un éveil de l’intelligence pour les uns ; une interprétation génératrice d’un sens créatif pour d’autres, bref une marche dans une succession captivante de contrastes qui s’enchaînent pour conduire à la découverte d’un ‘’avant’’ et d’un ‘’après’’.
Beauté serait alors synonyme de Lumière, de persévérance et de recherche jusqu’à la finitude d’un Travail d’observation, d’interrogation, de compréhension de nombreux phénomènes, enfin d’acquisition de nouveaux Savoirs ; parce que la persévérance résiste à l’usure du temps par un effort constant dans l’espérance de parvenir à l’objectif final.
Si la Beauté émerge de la Lumière qui révèle les merveilles de la nature, elle nait aussi des mains de l’Homme laissant derrière lui des chefs-d’œuvre et des édifices qui ont traversé les siècles et les civilisations. Tout en elle nous apparaît dans les mythes et légendes écrits par de vieux Sages pour nous conduire, le temps d’un rêve, à la magie des plus vieux songes et de leurs images féériques mais aussi empreintes d’une culture sans frontières.
La Beauté peut prendre sa source dans un environnement végétal, minéral ou animal dans lequel les sens s’agitent devant les couleurs qui varient selon la lumière et les odeurs jusqu’à la cacophonie des bruits. Cet ensemble se fond dans une géométrie harmonique, quand les vibrations s’accordent et construisent leur message. Pythagore interprétait la musique comme une harmonie des Nombres et du Cosmos. Il détermina mathématiquement les rapports entre les sons et considérait le cosmos réductible à des nombres sonores rendus perceptibles à l’Homme doté de sensibilité et attentif à ce qui l’entoure. Et quand il est placé dans le cercle des Membres de la Loge, ce sont les pensées et les cœurs de tous qui s’unissent dans l’espace sacralisé du Temple où se manifeste l’égrégore.
Malgré le geste de l’Apprenti maladroit et hésitant, la parole rude mais bienveillante des Surveillants, les attitudes non conformes des oublieux des Règles, la Beauté ne s’altère pas. Elle reste toujours ancrée dans le cœur des Frères et des Sœurs, qui savent patiemment écouter pour rendre Gloire au Travail. Cette Gloire n’est pas un facteur de spéculation ou de performances, mais bien le couronnement du Travail dignement accompli associé à un véritable effort d’une maîtrise de l’ego. C’est bien le travail qui révèlera sa Beauté à l’Homme, et l’Homme dégrossi à l’Univers ; parce qu’un certain égo démesuré n’a jamais grandi personne sans incarner par ailleurs puissance dans le Savoir et les Connaissances, il n’embellit pas l’Homme omniscient. Alors, pourquoi un tel ego ? Où est l’utilité de tant de démonstration, de tant de voies parallèles ? A quoi servent les épreuves, l’action et le mouvement, et finalement le Travail, s’il faut revenir au point de départ ? Sommes-nous des navigateurs à la surface des mers, cherchant l’autre berge, droit devant nous, dans une course perpétuelle ?
Juste retour…, l’Homme, au fond, serait-il élément de l’Univers ? Parcourt-il la surface de la sphère dans un grand cercle, dans une quête certes, mais une quête limitée à l’horizon, ne permettant, à aucun moment, d’entrevoir les antipodes ? Ce mouvement là est-il utile s’il n’est qu’une boucle répétitive ? A quoi bon voyages, rencontres, échanges et découvertes laissés sans suite et sans réflexion à toute évolution ? Ne serait-il pas plus bénéfique à l’homme de chercher un état qui lui permette de tout embrasser d’un seul regard dans une sorte d’immobilisme, mais avec une Force tranquille et non vulnérable ? A toutes ces questions, il y a bien des réponses, dont celle d’approcher les quatre éléments (Terre, Eau, Air et Feu), pour qu’arrivent l’accomplissement de l’Etre et l’harmonie des ensembles ; voilà de quoi s’adonner à la Géométrie. Une progression s’annonce, plane, d’abord pour préparer l’esprit à une somme de facettes et de volumes qui élargiront la Connaissance de l’Apprenti et du Compagnon ; dans l’espace ensuite, pour pousser l’Initié dans une autre dimension par une marche qui le conduit de l’Occident au Carré long, puis à l’Orient, enfin dans le cercle. Cette avancée lui procure alors une vision suffisamment large pour qu’il vive avec sérénité. Ainsi rassuré, placé dans la voie de l’achèvement de ses espérances, il pourra percevoir un sens à sa transformation progressive. La Beauté est l’un des trois Piliers du Temple qui portent les Lumières d’Ordre. Elle est un attribut de notre équilibre. Qu’elle soit mise à mal et cette cathédrale, cet espace de résonance que constitue la Loge s’en trouvera inévitablement affecté.
La Beauté du Maçon accompli est un état intérieur, générateur du respect de lui-même mais également de ceux qui l’entourent, comme des circonstances qu’il ne veut pas troubler, restant dans le recueillement et l’observation pour mieux s’emparer de ce qu’il découvre durant les Travaux en Loge. C’est ELLE qui nous élève, s’appuyant sur les Rituels et ses Cérémonies, durant lesquelles les interventions sont coordonnées et structurées autour des sens : le vocal (paroles rituelles et symboliques et contributions), le sonore (Colonne d’Harmonie, Acclamations, Cris et Batteries dont le rythme varie avec les Grades), le pédestre, le pectoral et le manuel (circulations, Signes et Attouchement, Accolade,…), l’odorat stimulé par l’encens et le guttural (en Travaux de Table).
ELLE nous entraîne dans la chaîne fraternelle, nous relie à l’infini par le verbe des pensées convergentes de tous les Frères et Sœurs…. et si Sagesse et Force s’en mêlent, nous sommes sur le bon chemin. Les Maçons en Loge peuvent affirmer qu’ils maîtrisent toute forme d’indiscipline pour ne pas nuire à la Beauté et à la majesté des Cérémonies. Sur le sentier de l’Apprenti qui le conduira à la Lumière, il a subi les Epreuves de la Terre et des trois Eléments. Son cœur, molesté, parfois meurtri, arrive souvent essoufflé au pied de l’Orient devant l’Autel des Serments. Il est encore encombré par l’inutile sans doute mais porteur de l’essentiel. Le Maître de Loge a reçu l’Impétrant qui va ouvrir son cœur à la Beauté, son âme pure d’enfant saura toujours où sont le Bien, le Bon, le Vrai, parce qu’elle deviendra plus forte de ses expériences, plus sage de ses épreuves et difficultés et son Esprit trouvera l’équilibre. Désormais curieux et accessible à de nouvelles acquisitions, l’Initié peut enfin rayonner dans la lumière des autres… et progresser. La Beauté est un Tout. La Beauté est immortelle.
La Beauté intérieure de l’Initié entre dans le Plan parfait du Grand Architecte de l’Univers, qui influe en lui le feu vivifiant de la Franc-Maçonnerie pour lui permettre de mieux intégrer son parcours initiatique et spirituel fondé sur le rapprochement avec le Créateur. En cela, il consolidera ses acquis dans un ordonnancement avec Sagesse et Force qui accompagnent la Beauté autour du Carré long. C’est la paix intérieure. La Beauté est donc une œuvre de générosité si elle profite à tous, à l’exemple et la transmission du Bien perfectible. Les aspects et les intérêts individuels sont oubliés. Dynamisé par la Beauté, le Maçon devient ce voyageur infatigable des trois Etoiles – Sagesse, Beauté, Force – en pleine capacité d’entreprendre son cheminement dans l’Initiation.
Dans une sphère, comme dans l’homme, il n’y a que le centre qui soit à équidistance des éléments de surface ; c’est le point d’équilibre des énergies placées en circonférence. Le passé des uns est l’avenir des autres. La notion de temps est secondaire pour laisser place à l’omniprésence.
La Beauté s’inscrirait-elle dans notre humaine recherche, donc dans un segment de temps qui pourrait la placer seulement à la surface de la Connaissance ? Dans cette perspective, la quête de notre Beauté intérieure est-elle bien à l’étude de nous-mêmes, à défaut serait-elle superficielle ? Et dans ce cas, ne paraît-elle pas dérisoire, comme l’un des méandres flatteurs de notre ego qu’il nous faudra mépriser, sauf à nous perdre ? Nous n’avons pas de certitudes. Seulement le sentiment d’un grand plaisir dans la conscience d’une commune vibration, quand la Beauté oriente nos pensées vers le point zéro et indivis exprimant le tout. Que de doutes, de remises en cause de soi-même, d’interrogations sur une dimension qui, à l’évidence, n’est pas toujours saisissable. Nichée en nos cœur, de façon aussi multiple que diverse en chacun de nous, nous allons la chercher par-delà les barrières du quotidien réducteur, pour mieux la construire. Ne dit-on pas à nos enfants et à ceux que nous apprécions ‘’il faut finir en Beauté’’ ? A l’égo évoqué précédemment, il faut entendre égo surdimensionné et exacerbé jusqu’à être avilissant, tandis qu’un égo modéré est profitable à toute progression rendue légitime.
Fidèle à ses obligations solennelles et à sa profession de foi, l’Initié se place dans une Histoire de cœur, une Histoire d’honneur, qui ne sont que le reflet de notre engagement d’Homme de Cœur et Homme d’Honneur, sa Beauté préservée garde sa place dans les degrés de l’Absolu.
L’Absolu, le Sacré, le beau et le sincère nous ramènent à la communion de la Loge qui amplifie notre recherche, lui donne la dimension mystique qui nous correspond, nous pousse sur les chemins de cette Universalité à laquelle nous aspirons. Cette Beauté, si éthérée soit-elle, combat nos pesanteurs ; pas de forme, pas de limites ou de bornes, mais un état, une constante, une qualité. Une transformation aussi. Les ailes qui nous soutiennent prennent racine dans les éléments les plus fondamentaux de la nature humaine, les Lumières intérieures que nous cultivons, car depuis toujours et au-delà des vicissitudes, nous savons qu’elles sont notre chemin. Nous jouissons d’un rare privilège, parce que nous connaissons la route et nous savons pourquoi nous l’avons tracée.
L’ouvrage est là, devant nous. Nous devons l’accomplir, parce que tant que l’œuvre ne sera pas en voie d’achèvement, nous resterons des voyageurs de l’Eternel. Manions les Outils avec Sagesse, élevons-nous avec Force, la Beauté nous guide vers la sublimation et la contemplation pour notre plus grande satisfaction.
Ces lignes ne sont qu’un ressenti qui ne peut être qu’approfondi dans le silence et le for intérieur de ceux qui les liront. C’est ainsi que réside la puissance du verbe par des interprétations que permettent les Rituels et ses Symboles.
(travail déposé sur le site en novembre 2019)