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Loges jacobites en France

  Les chroniques écossoises du REP       

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 Thème

Présence jacobite en France

..avec les Régiments écossais et irlandais .

 Auteur

 

 Source

 

Simon J. Appleton

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Références ouvrages : 

Robert Ambelain et Gustave Bord 

 

AVANT-PROPOS

Au début des années 1990, Robert Ambelain me faisait parvenir quelques photocopies issues d’un ouvrage de Gustave Bord intitulé : La Franc-Maçonnerie en France des origines à 1815. Cette correspondance concernait les Rose-Croix Jacobites. Par la suite j’ai cherché à obtenir un exemplaire de ce livre, mais en vain aucun libraire de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) ne parvenait à le dénicher.

En ce début d’année lors d’un voyage en Nouvelle-Zélande, avec l’acquisition d’une liseuse électronique, je pus enfin télécharger de nombreux ouvrages jusqu’alors impossibles à trouver, dont ce fameux livre de G. Bord. L’édition recueillie débute par une dédicace à Louise Sazerat (la tante de l’auteur) publiée à Paris, le 14 octobre 1908.

A l'issue de sa lecture, je relève plusieurs références de l’auteur qui mettent l’accent sur le mouvement jacobite en France et sur certaines loges maçonniques ouvertes dans cette mouvance. G. Bord fait aussi allusion, d’une part, aux régiments au service de la dynastie Stuart, et d’autre part, aux loges militaires correspondantes. A l’époque, Robert Ambelain estimait que Gustave Bord, anti franc-maçon notoire, voyait en la franc-maçonnerie le principal vecteur de l'expansion d’un concept d’égalité susceptible d’entraîner la chute et la disparition de la royauté en France.

Dès lors, je rappelle les propos du Grand Maître Robert Ambelain qui estimait que l’on pouvait se fier à Gustave Bord sur le plan historique au motif que ce dernier étayait généralement ses dires à l’appui de documents parfaitement authentiques. S’il était un adversaire de la Franc-maçonnerie, il n’en demeurait pas moins un contradicteur que l’on pouvait qualifier de loyal.

Outre sa qualité d’historien de la Révolution Française (*), les écrits de Gustave Bord (1852-1934) confirment sa seconde qualité, celle d’essayiste connu pour ses opinions antimaçonniques. Parallèlement mais très précisément, il soutenait la thèse d’une mission coordinatrice jouée par la Maçonnerie dans la Révolution française. Ainsi, il fut l'un des premiers à affirmer l'inexistence d'un complot judéo-maçonnique.

(*) Source : Wikipedia se référant au  Baron Delbeke, in La Franc-Maçonnerie et la Révolution française et autres Essais sur le XVIIIe siècle.

 

EXPOSE

La présence jacobite en France

A l'appui des observations rapportées par Gustave Bord dans son ouvrage précité, sont extraits ses citations, ses remarques, à partir de faits avérés et ses conclusions dans le but d'étayer notre exposé que nous avons titré « la présence jacobite en France ».

 

Régiments écossais et irlandais

Nous relevons donc les propos de l’auteur quant aux régiments ayant suivi les Stuarts en exil en France, comme suit : « En 1689, nous verrons les régiments écossais et irlandais débarquer en France, avec leurs cadres militaires et leurs cadres maçonniques ».  On peut arguer sur l’exactitude de cette date d’arrivée des régiments en France, était-ce en 1689 ou 1688 ?  Mais ce qui importe dans cet exposé est le fait constaté de leur arrivée sur le sol français liée à celle de la naissance de la Franc-Maçonnerie.

Régiment3

 

Selon G. Bord, les Stuarts ont copié l’organisation maçonnique dans l’objectif d’y introduire dans les régiments un parti politique. Cette affirmation paraît sujette à caution. Considérons simplement ici que la Garde du roi en exil et ses régiments concernés étaient de fait les défenseurs de la cause jacobite, mais de là à en faire un parti politique, tout au moins au sens actuel du terme, cette affirmation semble excessive.

Aussi, la déclaration de G. Bord, en ce que ces régiments « furent le germe d’où sortirent toutes les loges des régiments français, et leur nombre fut considérable… », peut sembler parfaitement plausible.

Il confirme plus loin ce qui suit : « C’est sous la forme de F:. M:. que cette secte fit son apparition en France avec les régiments irlandais et écossais ».

A propos du Régiment Dillon, on apprend que « tout porte à croire que la première loge battant maillet en France fut la Bonne Foi à l’Orient des Gardes écossaises du roi d’Angleterre ».

Est aussi mentionné le Régiment Walsh qui avait une loge dont le titre distinctif était la Parfaite Egalité (appellation confirmée à partir de 1752).  Gustave Bord fait par ailleurs mention que « les Régiments irlandais et écossais, qui se sont montrés si brillamment à côté de la Maison du Roi à Fontenoy, étaient jacobites »

Régiment2

Nous nous souvenons tous de cette bataille en raison de sa célèbre citation « Messieurs les Anglais, tirez les premiers ! » Cette bataille s’est déroulée le 11 mai 1745 dans les Pays-Bas autrichiens (Belgique actuelle) pendant la guerre de succession d'Autriche et s’est soldée par une victoire française.  Nous pouvons relever qu’au cours du combat, un Régiment irlandais, celui de Bulkeley, était parvenu à s'emparer d'un drapeau du second bataillon des Gardes britanniques (Source : Wikipédia).

Le comte François de Bulkeley, colonel propriétaire du régiment qui portait son nom, a participé au premier soulèvement jacobite en Ecosse, celui de 1715, sous la bannière du Old Pretender, père du célèbre Bonnie Prince Charles.

Régiment1D’origine anglaise, son père, Henry Bulkeley, fut Master of the Household (équivalent à intendant de la Maison royale) des rois Stuart Charles II et Jacques II d'Angleterre.

Le Régiment de Bulkeley est un régiment d’infanterie irlandais du Royaume de France, créé en 1690.

 

Les Loges Jacobites

Gustave Bord, qui répertorie les loges de Paris et de provinces, mentionne plusieurs d’entre elles, à savoir celles qui auraient été formées sous influence jacobite, et pour illustrer mon propos, cet exposé fait usage de cette appellation de loges dites jacobites.

L’Heureuse Sympathie constituée à une époque inconnue à Paris.

Saint André (saint Patron de l’Ecosse) fondée vraisemblablement par le prince Charles Edouard (Bonnie Prince Charles) le 1er février 1747.

Constance constituée dans la ville d’Arras. Ses membres déclaraient volontiers appartenir à la première loge de France (on a parlé de 1687), mais aucune date précise ne peut être avancée.

Charles Edouard a créé en cet Orient d’Arras en 1747 un chapitre, greffé sur le modèle des loges bleues, ce qui permet d’affirmer qu’à cette date la Constance existait et qu’elle était jacobite.

Amitié et Fraternité, une loge de Dunkerque. Bord la dit jacobite de par le choix de son député, autre preuve des traditions écossaise et jacobite plutôt qu’anglaises (dixit G. Bord).

Cette explication ne paraissant pas totalement probante, il y a lieu d’approfondir l’identité de celui choisi comme député en la personne de M. Thory ; toutefois, je n’ai rien trouvé. En revanche, un texte de Lucien Courbet, rédigé en 1961, retrace l’histoire de cette loge, comme suit  « L’Amitié et Fraternité » qui sera la première Loge créée sur le continent européen par la Grande Loge de Londres et de ce fait recevra le titre de « Loge Mère » (titre reconnu) des Ateliers qui seront ouverts par la suite.

Or, la Grande Loge de Londres est hanovrienne, opposée et ennemie de tout ce qui est jacobite, c'est pourquoi il semble difficile de souscrire à l’hypothèse de Bord.

Les Vrais Amis (loge Lyonnaise). Cette loge fut constituée par une puissance jacobite le 10 mars 1760, dixit Bord.

Saint Jean des Enfants de la Sagesse et de la Concorde, cette loge est citée par Bord comme probablement la plus ancienne d’Orléans. Elle est d’origine jacobite.

La Parfaite Union créée à l’Orient de Quimper par une puissance maçonnique jacobite, le 1er mai 1769.

 

Les Loges régimentaires jacobites

Préalablement à l'approche des loges régimentaires proprement dites, nous proposons de se référer au site intitulé Les Commerces de Saint-Germain-en-Laye qui propose une chronologie des faits qui ont marqué l’histoire de cette ville. Pour l’année 1689, il est indiqué : Naissance des deux premières loges du Rite Ecossais, sous les titres de ‘‘La Bonne Foi’’ et de ‘‘La parfaite Egalité’’, qui donnèrent naissance à la franc-maçonnerie moderne en France.

Il convient maintenant d’évoquer les Loges régimentaires jacobites.

Le Régiment Dillon connu sous le titre ‘‘La Bonne Foi’’.

Le Régiment Walsh connu sous le titre ‘‘La Parfaite Egalité’’. Ce régiment tint garnison à Saint-Germain-en-Laye sous le nom de ‘‘Garde Irlandaise’’. En 1777, le Grand Orient a admis sa constitution primitive en date du 25 mars 1688.

Le Régiment Royal Ecossais et sa loge créée le 3 décembre1743. Son colonel était le comte de Drummond, duc de Perth.

Le Régiment Lally et sa loge créée par Ordonnance du 1er octobre 1744. A la tête du régiment, le colonel Lally.

Le Régiment O’Gilwy et sa loge créée le 28 janvier 1747. Milord O’Gilwy commandait le régiment.

Le Régiment Albany et sa loge créée le 20 octobre 1747. Le régiment était placée sous le commandement du colonel baron de Locheil.

Albany est un autre nom donné au Royaume d'Alba qui s'étendait primitivement sur toute l'Écosse, plus tard le nom désignera un duché formé dans la partie septentrionale du royaume.

 

Il est plus que raisonnable d’admettre le caractère jacobite des quatre dernières loges militaires listées ci-dessus :

  1. Par le nom des hommes qui y sont incorporés, dont en grande majorité à consonance irlandaise et écossaise.
  2. Par leur date de constitution. Il convient de rappeler que le dernier soulèvement jacobite en Ecosse eut lieu en 1745 sous la bannière de Bonnie Prince Charles.

Le document reproduit ci-dessous, extrait de l'ouvrage “La Franc-Maçonnerie en France – J.A. Faucher et A. Ricker” mentionne une loge installée à Saint-Germain-en-Laye fondée par Charles Radclyffe, comte de Derwentwater en 1725 ou 1726.Régiment4

Charles Radclyffe fut le secrétaire privé de Bonnie Prince Charles et capitaine du Régiment Dillon. Il est l’un des rares anglais qui ait participé aux deux soulèvements jacobites, en 1715 et 1745. Prisonnier des anglais, il fut décapité le 8 décembre 1746.

Cet exposé n'a prétention qu'à constituer une courte étude sur le mouvement jacobite en France à partir des ouvrages cités et invitation est faite à nos lecteurs, qui n'auraient pas eu connaissance de l'ouvrage de Robert Ambelain “La franc-maçonnerie oubliée“ (Editions Robert Laffont (avril 1999), de s'y attarder.

 

A Nouméa, 1er août 2016, Simon J. Appleton

 

N.B. : Observation est faite quant aux couleurs des bannières des trois Régiments qui affichent ostensiblement le rouge de l’Ecosse et, pour celui de Bulkeley, le vert de l’Irlande. A cet égard, nous rappelons que le rouge a été évincé par le bleu substitué au rouge typique de l’Ecosse dans le royaume de France, notamment avec le cordon bleu des Maîtres qui a supplanté le rouge des Stewarts.

Dès lors, et bien évidemment, nos Jacobites sont restés fidèles à cette couleur rouge ponceau pour leurs décors, tablier, sautoir et cordon, et par extension :

  • dans la composition des sceaux de toutes les Instances du REP (Grande Loge, Souverain Chapitre et Suprême Conseil d'Orient et d'Occident, ainsi que tous nos Ateliers) ;
  • dans la décoration du Temple pour les Travaux en Loge (exception faite des Travaux au troisième Grade et lors des Tenues funèbres), où le rouge a été adopté pour les tentures et les bougies (par ailleurs blanches en certains Travaux). Cf. les ouvrages –Tissot Pierre-François, L'unique et parfait Tuileur pour les trente-trois grades, Paris, Imp. De Nouzou, 1812, pages 7 et 9– et le Manuel Maçonnique ou Tuileur de tous les Rites de la Maçonnerie – C.A. Vuillaume ;
  • dans le respect de l'antériorité de la couleur rouge, celle-ci est reprise pour le fond du Tapis de Loge au Grade d'Apprenti ;
  • dans l’appellation des Loges dites rouges au REP qui ignore les loges bleues, lesquelles sont classées en ce Rite Loges symboliques et/ou Loges de saint Jean aux trois premiers Grades et au 4e Grade.

Rappel est fait qu’à la suite du Convent des Gaules de Lyon en 1778 : le Rite Ecossais se trouva plus que rectifié avec des tabliers maçonniques bordés et doublés de bleu ciel au lieu de rouge et des bijoux d’ordre argentés au lieu d’être dorés.