William Schaw (1550 – 1602)
Nous avons eu recours aux auteurs ci-après cités pour dresser le portrait et le parcours de William Schaw : Jean Ferré, Jean-Paul Corsetti, M. Delclos et J.L. Caradeau, enfin Roger Dachez.
Ainsi Jean Ferré précise que William Schaw était un homme issu de la petite noblesse qui occupa différents postes sous Jacques VI dont celui de maître des ouvrages (Master of Works, cf. le document ci-contre pris sur le net). Il promulgua en tant que surveillant général les statuts qui portent son nom.
Les Statuts Schaw ont été rédigés lors d’une assemblée qui se tint à Edimbourg à l’occasion de la saint Jean d’hiver. Ils plaçaient toutes les loges du royaume sous l’autorité du roi et faisaient que la loge de Kilwinning était la deuxième d’Ecosse après celle d’Edimbourg, mais avant celle de Stirling. Grâce aux Statuts Schaw qui obligeaient les loges à tenir des archives, nous possédons une vaste et riche documentation sur la maçonnerie opérative du XVIIe siècle :’’le nom de l’apprenti et le jour de sa réception (seront) consignés.’’ Les Statuts Schaw sont intéressants à plus d’un titre. Après les six premiers articles qui décrivent les conditions de travail et la déontologie du métier, on apprend qu’un surveillant sera élu chaque année pour diriger la loge. L’apprentissage est sévèrement réglementé. Le maître ne peut avoir plus de trois apprentis dans sa vie, sauf dérogation, et doit mener à bien leur formation sous peine d’amende. Les entrées seront consignées dans un livre afin d’éviter toute infraction[1]. Plus généralement, on peut retenir de William Schaw qu’il est l’inspirateur de l’art de la mémoire. […]
Le deuxième ouvrage retenu, « Histoire de l’ésotérisme et des sciences occultes » de J.-P. Corsetti met l’accent sur le rôle déterminant (sic) de William Schaw.
En 1598, il publie ses Statuts qui reprennent les éléments des Old Charges, notamment du manuscrit Cooke (1410), évoque un réseau de loges, promeut des devoirs et stipule l’élection d’un garde pour chaque loge et la nomination par le roi d’un garde général pour l’ensemble des loges d’Ecosse. En 1599, une seconde série de règlements est publiée, qui s’adressent à la loge de Kilwinning mais valent pour toute l’Ecosse. Elle tient compte des remarques qu’avait engendrées la réforme de 1588 concernant le métier. Mais, surtout, l’article 13 dit que tout apprenti et tout compagnon doit être instruit – et contrôlé par le garde – sur ‘‘the art of memorie and science thairof’’. Cette expression nous rappelle l’ésotérisme renaissant pétri d’hermétisme et de kabbale, et dont Giordano Bruno incarnera la dernière grande figure. Comme rappelé ci-avant, le fait que Schaw emploie l’expression exacte d’ ‘‘art de mémoire’’ montre la filiation entre cet ésotérisme et la maçonnerie, dont Schaw semble bien être à la fin du XVIe siècle le véritable fondateur, maçonnerie qui fixe l’évolution spirituelle et spéculative de façon très nette par rapport aux corporations et au Métier du Moyen-âge. Le second point à relever est la mention d’un personnage, lui aussi issu de la Renaissance, l’architecte. […] C’est à juste titre que Stevenson met l’accent, dans un chapitre important de son livre The Origins of Freemasonry, sur l’apport considérable de l’ésotérisme renaissant à la ‘‘réforme’’ de Schaw, apport qui conduit la maçonnerie à devenir spéculative : néo-platonisme, philosophie occulte, hermétisme et prisca theologia de source égyptienne, art de mémoire, rosicrucisme, figure centrale de l’architecte.
Le cas de Robert Moray (que nous présentons dans le Boulevard des Jacobites) est en ce sens exemplaire : ingénieur militaire et humaniste préoccupé de spiritualité, il vécut une existence pleine d’aventures… On devine dès lors quelle fut sa formation et quelle place elle dut avoir dans son engagement maçonnique – il fut reçu maçon par des membres de la loge d’Edimbourg qui servaient dans l’armée écossaise dont il était le quartier-maître général, au cours de la guerre menée en terre anglaise contre Charles Ier. Son témoignage, dans sa correspondance, et les remarques qu’il a laissées – sceaux, signature, dessin – constituent une sorte de radiographie du franc-maçon spéculatif tel que l’induisait la réforme de Schaw.
En somme, ce sont bien les membres de ces loges écossaises du XVIIe siècle qui furent virtuellement les premiers maçons spéculatifs, au sens où on l’entendra au siècle suivant. Le divorce ave le Métier médiéval est désormais consommé, bien que celui-ci soit une source déterminante d’inspiration et d’exemple. La seconde source est celle de l’ésotérisme renaissant, … enfin la référence mythique et historique assoit la tradition de cette nouvelle maçonnerie constituée de non opératifs.
Quant au troisième ouvrage étudié, ‘‘La Franc-Maçonnerie des origines à nos jours – M. Delclos et J.L. Caradeau’’, il nous renvoie à la famille des Saint Clair de Rosslyn, dont William Schaw fut l’un des signataires de la première Charte Saint Clair, par laquelle les Maçons reconnaissent William Sinclair de Rosslyn comme mécène (patron) et protecteur des Maçons d’Ecosse. […]
Les deux auteurs rappellent que la rédaction des Statuts Schaw et celle des Chartes Saint Clair ont permis à l’Ecosse de fournir les documents les plus anciens qui témoignent de l’existence d’une Franc-Maçonnerie encore opérative mais déjà fort proche de celle du XVIIIe siècle et de celle que nous connaissons aujourd’hui. En outre, ces mêmes auteurs rajoutent que tout cela semble confirmer les liens privilégiés des familles Sinclair de Rosslyn et Stuart avec la Maçonnerie, puisque Jacques VI confirmait les surveillants dans leurs fonctions – c’est exactement ce que fait un Grand Maître actuel (ou son représentant) quand il installe un Vénérable Maître et ses officiers. […]
Comme pour Robert Moray, nous présentons, dans notre volet ‘‘Boulevard des Jacobites’’,
William Sinclair auquel William Schaw est étroitement associé.
Une autre approche William Schaw nous est fournie dans une étude publiée par David Stevenson (The Origins of Freelasonry – 1988), que nous reprenons comme suit : en 159 et 1599, William Schaw, Surveillant Général des Maçons nommé par le roi Jacques VI d’Ecosse, avait promulgué des statuts pour réglementer le métier de Maçon dans le royaume.
Depuis 1598-1599, étaient instaurés dans les Loges les grades d’Apprenti entré et de Compagnon du métier qui avaient chacun une instruction et une cérémonie correspondant à leurs admissions. On peut suivre des inscriptions d’hommes à ces grades tout au long du siècle dans les procès-verbaux des Loges. En 1696, les rituels de leurs admissions (le Manuscrit d’Edimbourg) sont révélés et les preuves de cette continuité donnent à penser que, bien que les rituels de 1600 aient certainement présenté de considérables différences avec ceux de 1700, il existait selon toute probabilité beaucoup de ressemblances fondamentales entre eux et que donc William SHAW avait joué un rôle majeur dans la mise en forme non seulement des Loges mais aussi des rituels de la Franc-Maçonnerie. Les deux furent exportés en Angleterre à la fin du seizième et au début du dix-septième siècles.
Nous terminons cet exposé sur William Schaw, par le résumé de Roger Dachez quant à son analyse de ce qu’il nomme ‘‘le système de W. Schaw’’ et des loges écossaises, que l’auteur dresse à partir de l’ouvrage de Stevenson :
En d’autres termes, le système de William Schaw était une organisation de métier, par conséquent opérative, dont les fondements ultimes étaient de nature intellectuelle et religieuse – ne pourrait-on dire spéculative ? Rien ne permet d’affirmer qu’une telle structure implicite ait existé dans aucun des groupes transitoires dénommés loges, et qui ont existé au Moyen-âge, en Angleterre comme en Ecosse. En cela réside, précisément, la radicale nouveauté des loges créées par William Schaw. En cela, une fois encore, on peut le tenir pour le fondateur de la franc-maçonnerie. Ainsi, après la réforme de Schaw en 1598 et en Ecosse, l’Angleterre prendra le relais à la fin du XVIIe siècle. Il existe des maçons purement spéculatifs vers 1650, comme le montrent les témoignages d’Ashmole ou de Randle Holme, mais ils opèrent de manière ‘‘sauvage’’, dans des loges occasionnelles, alors qu’une structure existe en Ecosse.
Les loges écossaises devaient inspirer ensuite ces Maçons et leur offrir des éléments nouveaux quant aux rituels et aux usages. La rencontre allait s’opérer au début du XVIIe siècle, en Angleterre cette fois-ci, avec la création de la Grande Loge. Autrement dit, c’est bien l’Angleterre qui concrétiserait, développerait et préciserait ce que l’Ecosse avait déjà créé au XVIIe siècle. D’inspiration écossaise, la franc-maçonnerie spéculative, moderne, trouvait ainsi en Angleterre – où elle était apparue de manière autonome et encre très diffuse – une nouvelle patrie. Les ponts étaient jetés vers l’Enlightment qui assimilerait le legs de la Renaissance. La franc-maçonnerie moderne prendra en charge la majeure partie des connaissances et de la pratique de l’ésotérisme occidental, et en préservera le patrimoine. Elle sera le tronc à partir duquel se déploieront ses différents rameaux. […]
(Document déposé sur le site du Rite Ecossais Primitif en décembre 2013).
[1] Ces Statuts suivent cet avant-propos de Jean Ferré dans son ouvrage ‘‘Histoire de la Franc-Maçonnerie par les textes – Editions du Rocher, décembre 2001’’. Vous les retrouverez reproduits dans notre volet ‘‘Textes et documents’’.