Bertin du Rocheret (1693 – 1762) Source Philippe Colaneri
Philippe, Valentin Bertin du Rocheret. Sans le qualifier de Jacobite, ‘‘pur et dur’’, ou de partisan des Stuart, nous avons toutefois inséré Bertin du Rocheret dans notre boulevard, eu égard aux références que ce Franc-Maçon, à qui nous devons la conservation d’archives maçonniques (parmi lesquelles la première version du Discours de 1736 de Ramsay), emploie pour marquer son entrée dans la Fraternité, d’une part, et son influence dans le milieu jacobite, d’autre part.
Elu président, Grand Voyer à l’élection d’Epernay, possesseur de vignobles et marchand de champagne, il a constitué une précieuse collection de documents, conservée à la bibliothèque municipale d’Epernay, qui contient beaucoup de renseignements précieux sur l’Ordre. […]
Pour Bertin, la Maçonnerie était : « … une société ancienne d’Angleterre établie sous Guillaume le Bâtard ou le Conquérant Roy d’Angleterre… introduite en France à la suite du Roy Jacques II en 1689, y devint sous milord comte de Derwentwater élu Grand Maître catholique en 1737. J’y fus reçu cette année le 9 septembre (1737) à la loge du Vénérable Frère duc d’Aumont… » (Bibl. de Chalons, ms. 125, p. 240).
Dans quel esprit Bertin entendait-il la Maçonnerie ? Il l’a confié au papier dans une « … Apologie de l’ancienne et vénérable société des Freys-Maçons envers le beau sexe… » (Bibl. de Chalons, ms. 125, p. 244-252). Donnons-en quelques extraits : « … Dieu, le Roy et l’honneur sont d’abord les trois pivots sur lesquels cette ancienne société tourne depuis sept siècles ! Une confédération d’honnêtes gens distingués dans tous les Etats qui ne cherchent qu’à se divertir philosophiquement dans le commerce de beaux sentiments, de belles lettres et des beaux arts de toute espèce en forme de nœud… » (ibid. p. 245). Mais voici le caractère original de la société : « … Vous savez encore que dans notre barque le berger et le monarque s’y trouvent d’égale condition. Il n’y a rang ni préséance… Le seigneur, l’homme constitué en dignité dépose à la porte de la loge tous les titres fastueux qui le distinguent dans le monde ; le docteur de Sorbonne, le magistrat, le Prélat même (car il y en a parmi nous) se dérident le front, et popularisant leur style, ils se relâchent modestement de leur gravité pour communiquer amicalement leurs réflexions, pour les joindre à celles d’un homme qui n’a que la science et le bon sens en partage… » (ibid, p. 425). De même, dans une note explicative d’une lettre à son cousin le P. Thierron, minime à Vitry-le-François, Bertin s’exprime de façon curieuse sur le compte de l’archevêque de Florence responsable à ses yeux de la bulle de Clément XII contre l’ordre. Joseph-Marie Martelli, archevêque de Florence, s’est imaginé « … que les loges étaient autant d’assemblées de quiétistes et de molinistes » et il a déclaré « … tous les Francs-Massons hérétiques. Ce qu’il y a de curieux en cela, c’est que le pape Clément XII donnant dans les idées de ce prélat livre à l’Inquisition cette société qui se met, dit S.S., autant qu’il est possible au-dessus des idées populaires, d’où conclut le Saint-Père que c’est un raffinement d’épicurisme… » (ibid, p. 240).
Toutes ces indications prouvent dans quel esprit un Bertin et, avec lui, beaucoup d’autres Frères ont pratiqué la Maçonnerie, société de table d’esprit et de plaisir social, dont les membres se piquent de philosophie mais en se défendant de toute intention maligne à l’égard de l’ordre établi. Jouer à l’égalité dans les cercles fermés des loges était une nouveauté attirante à laquelle les candidats à la Fraternité n’ont pas manqué de succomber. ç’a été le cas de Bertin, qui de plus a trouvé dans les loges une nombreuse clientèle pour le ‘‘divin nectar’’, le pétillant vin d’Ay dont il était le producteur.
(Document déposé sur le site du Rite Ecossais Primitif en décembre 2013).