A.-L. Roëttiers de Montaleau (1748 – 1808)
Sources : Michel-André Iafelice – docteur en histoire, Henri Jullien et Jean Palou.
Alexandre-Louis Roëttiers de Montaleau est issu d’une famille de graveurs et d’orfèvres flamands illustres qui s’étaient attachés à la fortune des Stuarts. Son bisaïeul avait été, sous Charles II, graveur général des monnaies de la Grande-Bretagne et son grand-père, à qui la même charge avait été octroyée, avait suivi le roi Jacques II lors de sa retraite en France. Quant à son père, Jacques Roettiers, nommé au même emploi, sans sans pouvoir l’exercer, en raison des événements, il avait été tenu sur les fonds baptismaux de Saint-Germain-en-Laye par le Chevalier de Saint Georges, c’est-à-dire le prétendant stuartiste Jacques III. La famille a ainsi joué un rôle éminent dans l’histoire de la gravure en médailles, Henri Jullien, dans son ouvrage »Régularité exotérique et Tradition ésotérique en Franc-Maçonnerie » rappelle effectivement que son père Jacques, orfèvre du roi de France depuis 1732, est signalé comme graveur général des monnaies de Grande-Bretagne et confirmé dans l’ordre de la noblesse en 1772. Très attaché aux Stuarts, la famille Roëttiers de Montaleau est donc dans la tradition jacobite. Succédant à son père la même année, Alexandre renonce à sa charge et est reçu conseiller-auditeur de la Chambre des Comptes de Paris en 1775. En 1787 il devient maître de la Chambre des Comptes, puis directeur de la Monnaie de Paris en août 1791. Il dirige cet organisme jusqu’en septembre 1797.
Parallèlement, Roëttiers de Montaleau mène une vie maçonnique exceptionnelle. Il a consacré l’essentiel de son existence à la maçonnerie et son engagement dans l’ordre confine à un apostolat. […] Vraisemblablement initié en 1774 dans la loge L’Amitié, à l’Orient de Paris, maître l’année suivante, il devient vénérable de cet atelier en 1778…
Le 26 décembre 1783, il est reçu à la Maison philanthropique de Paris et fait partie de son comité directeur, de 1784 à 1787. Le 28 avril 1789, il est encore signalé comme commissaire installateur de la loge parisienne Guillaume-Tell qui est composée d’officiers du régiment de gardes suisses… Il parvient à maintenir la liturgie maçonnique traditionnelle. Accusé d’avoir récupéré les déchets de fabrication des monnaies et de se livrer à un trafic de distribution de pièces maçonniques, il est attaqué par la presse jacobine et arrêté à la fin de novembre 1793. Il est élargi quelques semaines plus tard grâce à l’action efficace de son épouse auprès du gouvernement révolutionnaire… Roëttiers est désormais convaincu qu’il est indispensable de sauvegarder la base structurelle de la Maçonnerie menacée par la Terreur. La singularité de son attitude est fondée sur ‘‘la passion de la maçonnerie’’ qui lui fait placer le sort de cette institution au-dessus des préoccupations concernant le monde profane. Président de la chambre d’administration du Grand Orient depuis 1793, il met en lieu sûr les archives de l’Obédience. […] Au cours du printemps de 1796, une réunion d’une quarantaine de maçons l’élit Grand Vénérable du Grand Orient. Par humilité sans doute, Roëttiers refuse le titre et cette attitude lui confère une dignité morale exceptionnelle. Artisan de la sauvegarde de l’Ordre, il tente d’unifier la maçonnerie française et apparaît alors comme la cheville ouvrière de la réunion des deux Grands Orients rivaux. Dès 1798, il engage des pourparlers pour la fusion de la Grande Loge de Clermont avec le Grand Orient. Le 23 mai, un Concordat d’Union est signé entre les deux obédiences et une tenue de fusion a lieu le 22 juin. Le Grand Orient, placé sous la direction de Roëttiers, connaît une influence grandissante et celui-ci est docile à l’égard du régime napoléonien qui souhaite la fusion du Grand Orient avec la Grande Loge Générale Ecossaise en 1804. […] A la fin de sa vie, comblé d’honneurs, il assume toujours de nombreuses responsabilités maçonniques… Sa mort en 1808, ressentie comme une perte immense pour la maçonnerie française, donne lieu à des hommages nombreux. Bacon de la Chevalerie dresse alors un portrait hagiographique de Roëttiers, qui apparaît comme le modèle du maçon pur et désintéressé, attaché de façon indéfectible à l’Art royal. On insiste sur le rôle d’unificateur de la maçonnerie joué par Roëttiers qui a su ‘‘envelopper dans le cercle de l’union générale’’ les loges des différents rites.
Roëttiers a toujours refusé l’engagement politique stricto sensu et s’est montré préoccupé fondamentalement, et presque exclusivement, à la recherche au sein des ateliers d’un consensus inaccessible. Son conformisme à l’égard des régimes successifs ne doit pas masquer la priorité absolue accordée à son investissement dans un ordre initiatique, au risque de faire le sacrifice de ses propres intérêts.
Jean Palou nous précise dans son ouvrage ‘‘la Franc-Maçonnerie’’ (p. 193 et suivantes) les liens qui unissaient plusieurs générations de la famille Roëttiers aux Stuarts. En 1660 Philippe Roëttiers, l’ami de Charles II, eut pour petit-fils Norbert. Celui-ci réfugié à Saint-Germain fut nommé par Louis XIV graveur général des médailles et reçut en 1719 ses lettres de naturalité. Par la suite, les descendants de la famille Roëttiers furent soutenus par les rois Jacques II et III qui leur avaient donné asile à Saint-Germain et où Jacques Roëttiers devint J. Roëttiers de la Tour de Montaleau. Jacques eut pour fils Alexandre-Louis qui succéda à Norbert Roëttiers comme orfèvre du roi à la suite de son père en 1772 et devint Conseiller Auditeur en la Chambre des Comptes…
(Document déposé sur le site du Rite Ecossais Primitif en décembre 2013)