D. O’Héguerty (1699 – 1790)
Sources citées : A. Le Bihan et A. Kervella
Le Mémoire historique de Lalande fait mention d’un M. d’Héguerty parmi les trois fondateurs de la loge de Saint-Thomas en 1725-1726.
La famille est irlandaise, s’établit en France, mais aussi en Lorraine alors ducale. G. Bord a trouvé trace d’un François O’Héguerty, cadet au Régiment de Dillon, parmi les membres de la loge de Saint-Thomas… Le Catalogue des Imprimés offre O’Héguerty (Pierre, André), comte de Magnières (t. 103, coll. 521), auteur de plusieurs ouvrages de finance, de commerce et de législation. La Nouvelle Biographie Didot fait elle, mention d’un Daniel O’Héguerty, originaire de Londonderry en Irlande du Nord, d’où descendent Pierre, André (1700-1763) et Dominique (1699-1790). Leur père Daniel, établi en Lorraine vers 1720, obtient du duc Léopold, le 10 mai 1724, le privilège de fonder une manufacture de faïence et de porcelaine. Il servit aussi dans le régiment de Dillon, fit ensuite l’acquisition de la terre de Magnières, érigée en comté par le roi Stanislas le 29 avril 1765. L’un de ses fils, Dominique, épousa à Paris en 1726 Françoise Corre, veuve Danley, et de ce mariage naquit à Paris, en 1729, Edouard Daniel O’Héguerty.
La présence de Dominique O’Héguerty à Paris est attestée en 1726 et 1729 et il a pu participer avec Derwentwater et MacLeane à la fondation de la loge de Saint-Thomas, ce qui confirme l’assertion de Lalande dans son Mémoire historique. Ajoutons qu’à partir de 1731, la correspondance politique à la rubrique Angleterre contient une correspondance suivie entre un Héguerty et le cardinal de Fleury (la signature sans prénom rend difficile l’identification de ce personnage). Cette correspondance se compose de lettres de cet Heguerty aux différents secrétaires d’Etat aux Affaires étrangères jusqu’en 1760 ainsi qu’au cardinal ministre. S’agit-il du futur comte de Magnières ou d’un autre membre de la famille établi à Paris ? Il paraît profitable, en tout cas, que c’est de cet Héguerty que parle dans sa liste Boyer d’Eguilles lorsqu’il écrit « … Mr d’Héguerti rue des Petits Champs. Irlandois établi en France qui n’a jamais servi le prince (Le Prétendant Stuart), mais qui est icy un de ses plus assidus courtisans… ». A la différence de Derwentwater et de MacLeane, le O’Héguerty dont les textes sont conservés aux Affaires étrangères est un homme d’affaires, un financier, un commissionnaire en armes, mais aussi un faiseur de plans, sans doute un agent secret. Le dernier mémoire de lui, daté de mars 1759, suggère au gouvernement de Versailles de travailler sans doute à la restauration des Stuarts, mais en Irlande seulement de façon à affaiblir, au bénéfice de la France, les îles Britanniques ainsi divisées en deux royaumes rivaux. En conclusion, il apparaît que Dominique O’Héguerty, en raison de son séjour parisien rapporté plus haut, a bien figuré dans la triade des fondateurs de la loge de Saint-Thomas au Louis d’Argent, en 1725-1726.
Nous avons trouvé d’autres informations sur Dominique O’Héguerty dans l’ouvrage d’André Kervella ‘‘La Passion écossaise’’, que nous proposons ci-après :
Ce dernier est né à Saint-Germain-en-Laye en avril 1699, où il est baptisé le 18 sous le prénom de Denis (cf. copie du registre baptistère). Quand les Orangistes avaient débarqué sur le sol britannique, son père Daniel avait pris le commandement d’une compagnie dans le régiment de Charles O’Neil. Il était ensuite devenu l’aide de camp du duc Richard de Talbot of Tyrconnel et de Lauzun. Passé sur le continent en 1691, il s’est donc installé à Saint-Germain provisoirement, car dans les années 1720, il achète une propriété en Lorraine et part s’y fixer. Dominique, lui, reste dans la région parisienne et dans la paroisse où sont concentrés un grand nombre de réfugiés. C’est là qu’il rencontre la veuve Françoise Le Corre. Le mariage est conclu en 1726. Or l’année précédente, Dominique a participé à la fondation de la première loge parisienne attestée. Aux dires de Loucelles, Richard Talbot, duc de Tyrconnel, aurait été franc-maçon. Nous savons avec plus de certitude qu’il était catholique et qu’il doit à Jacques II d’avoir été nommé Lord lieutenant en Irlande. […]
Longtemps le dispositif de la maçonnerie jacobite est flottant et basé à Saint-Germain-en-Laye. Quand il s’agrège quelques Français de façon très sélective, ce n’est pas vraiment pour les inviter à fonder eux-mêmes des loges. Ils rentrent dans un réseau de connivences personnelles. Après 1716, leurs rivaux hanovriens décident de les imiter, en modifiant toutefois les manières d’être. Pour eux, la loge devient une institution avouée, confessée, voire tacitement agréée par un gouvernement avide d’espionnage. Ils impulsent donc une dynamique contre laquelle les Jacobites doivent à leur tour réagir.
Loges contre loges, système contre système. Bien que soit prônée de chaque côté une éthique de la tolérance réciproque, nul n’est prêt à renoncer aux mobiles essentiels de la politique. Telle qu’elle est sur le point d’être mieux connue par les contemporains du siècle, la maçonnerie continentale est le fruit de cette réaction qui partage son histoire en deux segments. Avant 1717-1721, il suffit aux Jacobites d’avoir un Ordre secret, de lier des affidés dans un réseau unique et assez informel. Après, il leur faut s’adapter aux innovations imposées dans les îles. Concurrencés jusque dans les pratiques qu’ils croyaient protégées, ils observent dans un premier temps les échos de l’opinion à Londres, puis ils comprennent qu’ils seraient vite doublés sur leur terrain s’ils n’accéléraient pas leur propre mouvement. D’où l’animation qui va porter Charles Radclyffe à s’associer avec James-Hector MacLeane et Dominique O’Héguerty, entre autres, à fonder chez un traiteur parisien la première association parisienne[1] ayant laissé des traces dans les annales. Ils ne créent pas vraiment, ils transforment. La nuance est importante.
Et Hure ? demandera-t-on. On a le choix. Ou bien il s’agit de Jean Huré, ou bien de Barnaby Hute. Le premier, époux de Marie-Anne Chevillard, a certainement des affinités à Saint-Germain-en-Laye, puisqu’il y met en nourrice l’une de ses filles. Elle y meurt d’ailleurs le 24 septembre 1729, âgée d’un an. Dans l’acte établi pour la circonstance, il est dit demeurer dans la rue de l’Université ‘‘près l’abbaye Saint-Germain, paroisse Saint-Sulpice’’… Pour sa part, Barnaby Hute a tenu un office de bouche au château de Saint-Germain. Il y était responsable de la cave à vins, dans la première moitié des années 1710. Nous pouvons également admettre comme plausible l’hypothèse de sa conversion en traiteur ‘‘anglais’’ après qu’obligation fût faite à Jacques III de partir définitivement en Italie.
[…] Saute aux yeux une belle évidence. Radclyffe et ses amis habitent tous Paris, et ils sont tous civils. Dominique Heguerty est brasseur d’affaires, comme on l’a vu : son domicile se trouve rue de la Cossonerie, paroisse Saint-Eustache. MacLeane est rentré en 1721 d’Ecosse où il a achevé ses études secondaires ; si l’on se fie aux habitudes du temps et aux rapports établis au début des années 1740 par les informateurs du cardinal Fleury, il habite à l’hôtel. Radclyffe, auparavant à Bruxelles où il s’est marié, réside dans la paroisse Notre-Dame de la Pissotte, du côté de Vincennes, comme tend à le prouver l’acte de baptême de son fils aîné James-Bartholemew. Il n’a pris aucun engagement dans aucun régiment irlandais ou écossais levé en France. En face, si j’ose dire, le groupe plus étoffé de Saint-Germain-en-Laye est essentiellement formé de militaires ou – quand ils ne cumulent pas les deux statuts – de gentilshommes ayant eu naguère un office auprès de Jacques III avant son installation en Italie, ayant prolongé leur service auprès de la reine mère Maire de Modène jusqu’à sa mort survenue en 1718, et continuant à jouer divers rôles d’intermédiaires entre Rome et Versailles…
A bien approfondir la question du contexte dans lequel évoluent nos protagonistes, on constate même un fait troublant. La création de la loge parisienne par le trio Derwentwater-MacLeane-Heguerty intervient au cours d’une année où une querelle est très vive parmi les exilés de la région parisienne…
Nota : N’ayant évidemment pas ‘‘convenance’’ ou vocation à recopier le livre d’André Kervella, nous invitons le visiteur de notre site, s’il ne connait pas son ouvrage ‘‘La Passion Ecossaise’’, à le découvrir.
(Document déposé sur le site du Rite Ecossais Primitif en décembre 2013)
[1] Cf. Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, 3e édition, imprimeur de la république de Genève : ‘‘Vers l’année 1725, milord Derwent-Waters, le chevalier Maskelyne et M. d’Heguerty et quelques autres Anglais établirent une loge à Paris, rue des boucheries, chez Hure, traiteur anglais.’’ Grâce à d’autres sources, les orthographes quelque peu fantaisistes des protagonistes sont faciles à corriger.
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Deux ouvrages référencés :
…….Une augmentation s’impose dans le portrait de ce jacobite. Celle-ci est tirée d’un ouvrage de Patrick Villiers qui confirme outre, le commerce dans la pratique d’activité d’armement au-delà du Cap de Bonne Espérance, les origines et les ambitions de ce partisan des Stuarts. Ci-après, nous reprenons le propos de l’auteur :
« Dominique O’Heguerty appartenait à une importante famille jacobite et était le frère cadet de Pierre André, gouverneur de l’île Bourbon. Avant de s’associer en 1747, Antoine Walsh et Dominique O’Heguerty avaient sollicité le gouvernement pour déterminer les conditions dans lesquelles ils pourraient exercer la course dans l’océan Indien. A vrai dire, les deux compères s’intéressaient à une forme originale de course, à savoir le prêt de navires du roi à des armateurs privés (…) pour en fait faire la course contre les ennemis du Roy. (…). L’audace des Jacobites les rendit légendaires, mais Lemoine et Bourde de La Rogerie notent qu’il convient de remarquer que l’appui prêté à la course française par les réfugiés n’étaient en quelque sorte que le payement des services rendus par les armateurs et marins bretons à la cause des Stuarts. Lors des tentatives de restauration de 1690, 1715 et 1746, … beaucoup de Nantais ou Malouins risquèrent leur vie ou leur fortune pour la défense des intérêts de Jacques II ou de Charles-Edouard. La situation des corsaires jacobites étaient beaucoup plus précaire et dangereuse que celle de leurs homologues français… »
Ainsi l’auteur nous confirme la forte implication opérée, dans les siècles passés, par des Frères dans la vie publique et politique qui ont marqué fermement leur position ou l’ont dissimulée sous la Bannière de la Franc-Maçonnerie continentale en faveur de la restauration de la monarchie Stuart.
Jack Chollet – Les O’HEGUERTY Francs-Maçons Agents secrets à la cour de Stanislas – Editions Gérard Louis, Haroué, 2015
dont l’ouvrage fait l’objet d’une présentation succincte exposée dans notre volet « Jacobit’Info » (information du mois d’août 2016). Nous invitons les lecteurs de notre Site, curieux de l’implication des partisans Stuarts et des jacobites dans l’histoire de la Franc-Maçonnerie et des places qu’elle a occupées depuis la Vieille Ecosse et l’Irlande jusque dans les terres de la Franche-Comté, la Lorraine ou l’Alsace.