Les chroniques écossoises du REP |
||
Thème | Qu’est-ce que la Franc-Maçonnerie Ecossaise ? | |
Source |
Extraits LES CAHIERS DE CLIO (Grande Loge de France) Numéro 1 (1965-1970), cf. cartouche ci-dessous |
Nous reprenons l’intégralité d’un article de la revue ci-contre qui porte le numéro 1 d’une édition de 1965 portée par la GRANDE LOGE DE FRANCE, dont le sujet central traite des Jacobites.
Quand on parle aujourd’hui de Franc-Maçonnerie écossaise, c’est en pensant à une obédience, ou à des obédiences superposées, suivant une échelle de 33 degrés et notamment à celle qui pratique le Rite Ecossais Ancien et Accepté.
On disait entre 1800 et 1830 le ‘‘Rit écossais ancien accepté’’. Les REGLEMENTS GENERAUX DE LA MACONNERIE ECOSSAISE disent encore en 1877, après le Convent de Lausanne qui la réorganisait, ‘‘Rite Ecossais ancien accepté’’, sans la conjonction copulative. Ce titre subsiste aux Etats-Unis. En Angleterre, on dit Rite Ancien et Accepté, sans la référence originelle (R.S. Lindsay, ‘‘Le Rite écossais pour l’Ecosse’’, Edimbourg 1957).
C’est à la fin du siècle des Lumières qu’apparut l’expression ‘‘rit écossais’’, mais suivi de l’épithète ‘‘philosophique’’, pour le distinguer de la maçonnerie ‘‘symbolique’’.
Le mot sous-entendait l’appartenance à un grade maçonnique élevé, comme dans de nombreux autres titres : Ecossisme réformé de Saint-Martin, rite écossais d’Hérodom, rite écossais primitif ou Early Grand Scottish Rit, rite rectifié, rite écossais des Sublimes Elus de la Vérité, etc.
Le premier texte officiel qui parle de ‘‘Maçons Ecossais’’ est le Règlement soumis par la Grande Loge, sous le titre d’Ordonnances générales, à l’approbation de son Grand Maître, le Comte de Clermont, élu le 11 décembre 1743 à la succession de son oncle d’Antin, mort le 9.
On connaît cinq versions en français et deux en anglais. Dans l’article 20, on lit :
« Comme il appert que certains frères se présentent depuis peu dans les loges comme Maçons écossais, réclamant des prérogatives particulières et s’attribuant des privilèges dont il n’a pu être trouvé trace dans les archives et usages des loges répandues sur le globe entier, la Grande Loge, pour cimenter l’union et l’harmonie qui doivent régner dans la Franc-Maçonnerie, a décidé que ces Maçons écossais, à moins qu’ils ne soient Officiers de la Grande Loge ou d’une Loge particulière, ne seront pas plus considérés par les Frères que les autres Apprentis ou Compagnons et qu’ils ne doivent pas porter quelque signe distinctif que ce soit. »
On voit qu’il s’agit d’une mesure destinée à empêcher que certains frères parés du titre de maître écossais revendiquent dans les ateliers de la Grande Loge des prérogatives particulières. Nous noterons en passant que dans cette mise en garde il n’est question que de deux grades, ceux d’Apprenti et de Compagnon, alors que dans son discours composé sept ans auparavant le Chevalier Ramsay cite trois espèces de Confrères : des Novices ou des Apprentis, des Compagnons ou des Profès, des Maîtres ou des Parfaits. Cette disposition est certainement voulue.
Suivant l’hypothèse de Lindsay, c’est à partir de 1738 que certains maçons, émus par la condamnation prononcée dans la bulle In eminenti apostolatum specula du 4 mai 1738, ont cherché à se justifier en se distinguant des anglicans et qu’ils ont accentué pour cela leurs tendances catholiques et légitimistes. Ce n’est qu’une hypothèse, mais elle se trouve étayée sérieusement par les travaux récents de M. Pierre Chevallier. Ainsi, quand ému de son côté par la condamnation pontificale, le P. Thierrion, de la congrégation des Minimes, demande des éclaircissements à son cousin Bertin du Rocheret [1], membre éminent de l’Ordre, celui-ci répond qu’il s’agit d’une ‘‘Société ancienne d’Angleterre… introduite en France à la suite du Roy Jacques II en 1689’’ [2]. Ce document important nous conduit à envisager une Franc-Maçonnerie écossaise au sens historique et non plus philosophique du mot. Il y aurait place, ici, pour une étude plus précise que ceux que Pierre Chevallier nomme les trois Mousquetaire de l’Ordre, respectivement Ecossais ou Irlandais, mais également Catholique et Jacobites militants, Darwentwater, Héguerty, Mac Leane. A leurs côtés, et combattant pour la même cause, le duc de Wharton, Grand Maître de la Grande Loge de Londres, évincé de cette charge par le duc de Montagüe, mais qui reste ou devient Grand Maître de la Grande Loge de France, et reste fidèle aux Stuarts jusqu’à sa mort qui surviendra en 1731. Il serait intéressant et utile, à défaut de tableaux de loges, de dresser une liste des autres francs-maçons jacobites dont l’appartenance est attestée, la présente communication ayant surtout pour objet de poser des questions. Citons pourtant le comte de Balmerino, qui initia M. de Calvières, l’abbé More ou Moore ou encore Moret, Grand Secrétaire et exécuteur des ordres du Grand Maître Darwentwater, le frère Bromet ou Broomet, clerc de loge présenté comme attaché au service de l’abbé More, le comte irlandais Jean Barnwall de Trimlestown, fondateur à Toulouse de la loge Les Ecossais Fidèles. Une tradition qui paraissait solide, et qui fut rappelée dans de récentes communications, voulait que dans l’entourage de Jacques VII d’Ecosse (Jacques II d’Angleterre), au Château-Vieux de Saint-Germain, se soient constituée au moins deux loges régimentaires auxquelles on donna plus tard les noms de Parfaite Egalité et de Bonne Foi. De son côté, Gustave Bord mentionnait l’existence d’une loge constituée à l’Orient de Paris vers 1725-1726, sous le titre distinctif de Saint-Thomas et donnait une liste de ses membres.
Mais, faute de documents authentiques et précis, cette tradition fut considérée comme une légende. Or, une liste vient d’être publiée, dans laquelle se retrouvent la plupart des noms cités par Bord. C’est celle dans laquelle le maréchal Clare résume l’historique « des régiments irlandais depuis leur arrivée en France en mai 1690 à la fin de 1691 ». On peut légitimement penser que ces officiers émigrés ont fait partie d’une ou de plusieurs loges régimentaires au hasard des garnisons, et qu’il se sont regroupés à Paris, en choisissant comme distinctif le nom d’un saint particulièrement honoré dans leur pays d’origine. Presque tous ces noms se retrouvent dans les actes des registres paroissiaux de Saint-Germain-en-Laye publiés par Lart et dans l’étude de Dulon sur Jacques II, sa famille et ses partisans, et notamment celui de Clare qui finit par devenir Clerc.
On voit dans ce deuxième quart du XVIIIe siècle cette maçonnerie jacobite, catholique et historiquement écossaise se ramifier en une maçonnerie gallicane dont les ‘‘innovations’’ qui sont peut-être des ‘‘retours aux sources’’ sont considérées d’un œil soupçonneux par la loge anglicane de Coustos. Remontant plus haut dans l’histoire, Ramsay évoque, dans une affirmation curieuse, mais intéressante, la splendeur de l’Ordre ‘‘parmi les Ecossais, à qui nos Rois confièrent pendant plusieurs siècles la garde de leurs personnes sacrées’’. Et il n’y a pas lieu de s’étonner si nous le voyons lancer, entre cette maçonnerie historiquement écossaise et une maçonnerie écossaise au sens géographique du terme une passerelle qu’il franchit allègrement : ‘‘Jacques, Lord Steward d’Ecosse, était Grand Maître d’une Loge établie à Kilwin dans l’Ouest d’Ecosse en l’an MCCLXXXVI, peu après la mort d’Alexandre III roi d’Ecosse, et un an avant que Jean Baliol montât sur le trône. Ce seigneur reçut Francs-Maçons dans sa Loge les comtes de Gloucester et d’Ulster, l’un anglais, l’autre Irlandais.’’ […]
L’Ecosse a bénéficié de conditions favorables. C’est dans ce royaume qu’une loge de Maçons constructeurs a laissé le premier procès-verbal, celui de la Mary’s Chapel lodge, daté de 1598. Nous remarquons sans la moindre malice que cette première loge écossaise portait un nom d’église, tandis que les premières loges anglaises du siècle des Lumières portent des noms de tavernes. […]
(document déposé sur le site du REP en décembre 2013)
[1] Comme indiqué dans notre Chronique ‘‘Les Loges Saint Thomas’’, nous faisons référence à Bertin du Rocheret.
[2] Pierre Chevallier, Les Ducs sous l’Acacia, etc., Paris, Vrin 1964, p. 33, d’après un manuscrit de la Bibliothèque de Chalons.