Les avis sont très divergents en ce qui concerne cette appellation d’Ecosse ; des doutes sont même émis par certains Maçons qui leur donnent une qualité mensongère. Quoiqu’il en soit, nous reprenons le contenu de l’extrait de l’ouvrage cité en référence dès lors que mention est faite des Jacobites dans les lignes qui suivent.
Jean Palou, dans son livre ‘‘La Franc-Maçonnerie, Ed. Payot, Paris 1964’’, rattache ce terme à la très ancienne Maçonnerie Forestière, plus particulièrement des forêts de la Haute-Marche entourant le château d’Ecosse. Sans nier l’importance des Compagnons fendeurs, nous inclinons plutôt pour l’hypothèse de Guillemain. Selon lui, ‘‘Ecossais’’ ne saurait être que la déformation de « E CASTELLO », c’est-à-dire de KASSEL.
Cette hypothèse est d’autant plus intéressante lorsque l’on sait que tous les ouvrages Rose-Croix ont été publiés à Kassel, mais aussi que les Landgraves de Hesse-Kassel, descendants des Chevaliers Teutoniques, électeurs du Saint Empire, ont donné asile à partir de 1570 aux Frères de la Rose-Croix, et qu’enfin, Guillaume IV le Sage, passe pour avoir été très versé dans l’ésotérisme.
Cette hypothèse, affirme avec raison Guillemain, n’est pas en contradiction avec la filiation Stuartiste du Rite, mais au contraire, s’accorde parfaitement avec ce que l’histoire nous dit. A savoir que Jacques VI d’Ecosse, futur Jacques Ier d’Angleterre, effectua plusieurs voyages en Hesse-Kassel en 1590. Lors de l’un de ceux-ci, il fit même la connaissance de Tycho-Brahe. Or, Jacques VI, dès 1586, avait introduit le Rosicrucianisme en Angleterre (Shakespeare y aurait été initié). En 1593, il fonde la Rose-Croix Royale, en groupant autour de lui 32 Chevaliers de l’Ordre de Saint André du Chardon, constitué par le roi d’Ecosse Robert Bruce, en 1340. De ce collège de 33 membres va naître ‘‘L’Invisible Collège’’, mis en place, en 1646, par William Boyle, Loche et Christopher Wren, qui va devenir la « Royal Society », sous Charles II (encore un Stuart), première académie mondiale des Sciences.
… Jacques Ier, ce Prince Rose-Croix, dès son accession au trône d’Angleterre, devient Grand Maître des Maçons Opératifs Anglais qui, très rapidement, sont ‘‘colonisés’’ par les Rose-Croix. Outre ces voyages en Hesse-Kassel, Jacques Ier est également en contact avec le duc de Bouillon, Prince de Saint Empire et Grand Maître Ecossais. Comment s’étonner dès lors que certains historiens aient pu rapprocher ces faits de la Guerre des Roses à laquelle Cromwell mit un terme par l’exécution de Charles Ier. Mais son fils Jacques II se réfugie à Saint Germain en France, et y réimplante l’Ecossisme en 1688.
Une Rose a cependant échappé aux historiens. En effet, si en Angleterre la Rose Blanche des York triompha de la Rose Rouge des Lancastre, la Rose Noire Alchimique de la Rose-Croix d’Or vint aider les Lancastre à s’implanter en France, au Pays de la Fleur de Lys, sur lequel elle fleurit de nouveau. Rien ne devrait nous étonner puisque le Lys est la fleur de la Lumière (luce) et que la France est le creuset alchimique (Tzarfat en hébreu). Cette influence de la Rose-Croix[1] apparaît encore plus nettement lorsque l’on voit, dans l’entourage de Jacques I° Stuart, le personnage du Père Capucin Benoit Ficht de Canfield, Maître spirituel de deux disciples éminents : Berulle et le Père Joseph de Tremblay, qui n’est autre que l’éminence grise.
Le frontispice du seul ouvrage connu de lui, ‘‘La Règle de Perfection, réduite au seul point de la volonté de Dieu’’, conçu et dessiné par lui, en forme de Mandala, nous apprend que le symbolisme de l’Ecossisme lui était fort bien connu, ce qui tendrait à prouver que les Rosicruciens, dans leurs loges, enseignaient déjà l’Ecossisme. En étudiant les rapports entre le Rite Ecossais et la tradition chrétienne, on perçoit encore plus clairement sa filiation. Par tradition écossaise, s’entend par là, comme nous l’avons déjà indiqué, le ‘‘Christianisme Transcendantal’’ tel qu’évoqué par Willermoz et Joseph de Maistre et qui prolonge la doctrine mystique de Saint Denys l’Aréopagite’’.
Cette filiation peut, seule, expliquer que les STUARTS, princes catholiques, aient pu recevoir, en pleine période de guerres de religion, une initiation des Hesse-Kassel, protestants. Sur quel problème théologique se séparaient alors catholiques et protestants ? Essentiellement, comme le note Guillemain, sur un point de doctrine christologique. Il s’agissait, avant tout, de savoir si la médiation du Christ est exclusive de toute collaboration simplement humaine, thèse protestante ou si les mérites naturels des hommes jouent un rôle dans le plan de la Rédemption, thèse catholique.
La spiritualité aéropagitique impliquait la contemplation d’un Dieu indifférencié, laquelle convenait fort bien à la vie spirituelle du Moyen-âge, essentiellement théocentrique. Le Christ n’y jouait, en effet, qu’un rôle de médiateur pour des adeptes qui tenaient à se défaire, le plus possible, de la stricte contemplation d’images pieuses. Ce point de vue mystique s’opposa du reste longtemps à la réforme franciscaine, beaucoup trop sentimentale, et accessible, à leurs yeux. C’est cette spiritualité aréopagitique, qui baignait l’atmosphère des Loges des Rose-Croix et que paraît bien prolonger l’Ecossisme. Nous verrons plus tard au cours de l’étude du 18° degré [2], maintes preuves allant dans ce sens, et particulièrement la conception christique de ce grade.
Il ne manque peut-être, à l’Ecossisme, que les honneurs rendus à la Vierge, assimilée par les Rose-Croix à la Sophia Pistia, la Sagesse Divine, et cependant une femme apparaît néanmoins dans les Rituels Ecossais, puisque les Maçons sont dits ‘‘Enfants de la Veuve’’.
Notons cependant que ces conceptions spirituelles se retrouvent dans le Saint Empire, dont le pouvoir atteste la volonté du Dieu unique et indifférencié, et l’unité corrélative du genre humain.(Nous reproduisons l’illustration que l’auteur fait figurer à la fin de son propos repris ci-avant.)
Pourquoi l’apparition de l’Ecossisme au grand jour ?
L’Ecossisme est apparu au grand jour à la fin du XVIIIe siècle, dans un contexte politico-social très particulier.
.. L’Europe se trouve en pleine révolution industrielle. Le travail se désacralise peu à peu. C’est aussi une période de lutte sans merci entre les Pouvoirs spirituels et temporels. La monarchie se mourait en France après le coup fatal que lui avait porté Philippe IV le Bel. Sur le plan maçonnique, tant en France qu’en Angleterre Anderson et Desaguliers rassemblaient ce qui était épars, tout en restant fidèles aux Anciens Principes ou ‘‘Old Charges’’. En France, tout en conservant ces principes immuables, sans lesquels il n’est point de Franc-Maçonnerie, un homme cherche à donner à la Maçonnerie une nouvelle impulsion, un idéal plus élevé encore. Il ne veut plus entendre parler exclusivement de Loges de Table, de frivolités. Je le cite : « du caractère bas et matériel des Maçons Anglais ». Cet homme, c’est RAMSAY. Ramsay, d’origine écossaise, vint en France à l’âge de 21 ans. Il s’installe à Cambrai, se lie avec Fénelon qui le convertit au catholicisme. Il va devenir le grand rénovateur de la Franc-Maçonnerie.
C’est l’objet de son fameux ‘‘Discours’’ que l’on peut dater de 1736 ou 1738. Comme le disait l’ancien Souverain Grand Commandeur Charles Riandey à l’occasion du 150° anniversaire de l’établissement du Rite en France « Ce que l’Ecossisme a de plus que la Maçonnerie symbolique, c’est l’esprit de chevalerie qu’il tient de sa lointaine tradition ».
Dans l’Ecossisme, l’Art Royal est dépassé, on se penche sur le ‘‘Grand-Œuvre’’. Il ne s’agit plus seulement de construire le Temple idéal, il faut accéder à une philosophie qui associe ‘‘l’adepte’’ à l’Œuvre universelle. Ramsay écrivait encore « L’intérêt de la Confraternité, devient celui du genre humain tout entier, où toutes les Nations peuvent puiser ses Connaissances solides et où tous sujets de tous les royaumes peuvent apprendre à se chérir mutuellement sans renoncer à leur patrie. Il allait même jusqu’à imaginer « une fraternité dont l’unique but est la réunion des esprits et des cœurs pour les rendre meilleurs, et former dans la suite des Temps une Nation toute spirituelle ». Ce programme n’est-il pas exaltant ?
…….L’Ecossisme, sans rompre avec la tradition, est une innovation.
.. Il constitue d’abord un système aristocratique… Il n’est plus question, même dans les rituels, d’ouvriers manipulant des truelles, mais de Maîtres ou d’Architectes, successeurs d’Hiram, le constructeur du Temple de Salomon. La truelle est devenue l’épée. Il ne s’agit plus de construire le Temple, mais d’œuvrer à sa conception humaine, d’en élaborer les plans. Puis, au-delà, de ce Temple qui n’est qu’une image sensible, d’aller à la poursuite de l’Idéal suprême. L’Ecossisme accepta, dès lors, dans sa symbolique tous les apports de la Tradition immémoriale de l’Humanité. Tradition orientale, tradition hermétique et alchimique. L’Ecossisme espère ainsi constituer un mode de progression vers la Connaissance, vers l’Absolu, vers le Divin, qui fait naître l’Espérance chez l’initié, de s’identifier au Divin dans le Devenir. C’est l’élévation de l’homme vers Dieu par l’humilité et par l’effort, « parce que Dieu est en lui et que cette immanence est le reflet de sa transcendance » dit Paul Naudon.
Telle se veut être la portée initiatique et spirituelle des Hauts-Grades de l’Ecossisme. Eliminons en bloc les prétendues fins politiques, que ce soit la vengeance des Stuarts, du dernier Grand Maître du Temple, Jacques de Molay, ou de la question encore plus fantaisiste des Jésuites dissous en 1773 par Clément XIV.
….L’Ecossisme et l’Angleterre au début du XVIIIe siècle
Le 18e degré du Rite Ecossais nous amène à évoquer un instant le problème des rapports de ce Rite Maçonnique avec la Franc-Maçonnerie anglaise. Cette question du 18° degré a toujours été et demeure un point délicat des relations entre la Grande-Bretagne et les autres puissances Maçonniques régulières réparties sur la surface du globe.
. C’est en 1728 que l’Angleterre rejette le grade de Maître, 3eme degré de la hiérarchie. La Grande Loge de Londres vient d’être constituée en 1717. Pourquoi cette mesure ?
… . Elle ne se justifie à nos yeux que pour rejeter tout le système des Hauts Grades Ecossais déjà implanté en Grande-Bretagne. Il s’avérait un concurrent sérieux, et de plus, politiquement, c’était un moyen d’éliminer définitivement les STUARTS. Mais une autre raison, et peut-être la plus profonde, est de tout faire pour éliminer les Rosicruciens des Loges. Ainsi, la Grande Loge de Londres serait une forme de dissidence vis-à-vis de la Franc-Maçonnerie de l’époque. Ces idées ne sont pas pure imagination. Certains anglais les admettent ; ainsi GOULD, dans A.Q.S. tome XVI page 44, reconnaît l’existence de Loges Ecossaises à Londres, l’Abbé Perau partage le même avis.
. Quoiqu’il en soit, dès les débuts de la Franc-Maçonnerie au grand jour, ce n’est pas une collaboration entre les Rites à laquelle nous assistons, mais bien plus à une concurrence. Le Rite Ecossais est chassé d’Angleterre par l’exécution de CHARLES Ier décidée par CROMWELL. Le discours de Ramsay, dans son ton même, montre bien un désir ardent de rétablir, ou de réhabiliter pour le moins, la Maçonnerie Ecossaise. Il apparaît donc que la guerre des Roses ne serait pas aussi étrangère à ces décisions que certains ont bien voulu l’avancer. Mais cependant la question Rosicrucienne nous parait néanmoins primer. [3]
. . Les Rose-Croix ont été introduits en Angleterre par JACQUES VI d’Ecosse, futur JACQUES 1er d’Angleterre en 1586. En 1610, Jacques Ier fonde un Ordre de 33 membres, la ROSE CROIX ROYALE, dont les fondateurs sont 32 Chevaliers de l’Ordre de Saint ANDRE d’ECOSSE ou Ordre du CHARDON, fondé en 1314 par le roi d’Ecosse Robert BRUCE. Certains le dénomment aussi Rose Noire Alchimique. De cette Rose Croix Royale va naître l’Invisible Collège fondé en 1646 par William Boyle, Loche et Sir Christopher Wren. C’est de cette Société que naîtra la “ Royal Society ”, première Académie mondiale des Sciences sous le règne de CHARLES II. Roger et Francis Bacon (alias SHAKESPEARE pour certains) firent partie de cette assemblée d’origine rosicrucienne. Ci-contre iconographie d’un meeting de la Royal Society.
.. Jacques Ier, le Prince Rose-Croix, fut Grand Maître de la Franc-Maçonnerie Anglaise. Durant sa vie, il effectua de nombreux voyages en Allemagne et plus particulièrement dans la province de Lusace (1630), berceau probable de l’Ecossisme. Lors de voyages en France, il fut en contact avec le duc de Bouillon, Grand Maître Ecossais et notons-le au passage, Prince de Saint Empire. Des preuves encore de l’importance du personnage de Jacques Ier sont fournies par les hommages de son entourage connus dans le monde de l’ésotérisme. […] Charles Ier, exécuté par Cromwell, son fils JACQUES II se réfugie à Saint-Germain-en-laye où il réimplante l’Ecossisme en 1687, avec dit-on, des Chevaliers de l’Ordre du Chardon d’Ecosse. […] Vu sous un certain angle, l’Ecossisme pourrait donc émaner d’une triple origine :
- d’une part, la Chevalerie de Saint André d’Ecosse
- d’autre part, de la mystique Rosicrucienne
- et enfin de la Science expérimentale et mystique de l’Invisible Collège.
(Document déposé sur le site du Rite Ecossais Primitif en décembre 2013)
[1] Robert Ambelain soutient cette thèse du courant rosicrucien, placé sous la protection des Souverains Stuarts Grands Maîtres de la Maçonnerie opérative en ces deux royaumes (Ecosse et Angleterre). Cf. note dactylographiée par le Grand Maître lui-même intitulée « Rite Ecossais Primitif et courant rosicrucien » .
[2] Le 18° degré du REAA correspondant au cinquième grade du REP (Maître Parfait Ecossais Chevalier de Saint André) et ici nous insistons tout particulièrement sur l’emploi du vocable »degré » utilisé dans la rituélie écossaise, autre que celle de la hiérarchie du Rite Ecossais Primitif qui fait plutôt usage du mot »Grade » par son échelle plus réduite en SEPT Grades, alors que le REAA précisément comprend une échelle en 33 degrés.
[3] Cf. la note ci-avant évoquée intitulée « Rite Ecossais Primitif et courant rosicrucien » datée du 23 avril 1997 que le Grand Maître Ambelain a laissée dans les archives de la Grande Loge Française du Rite Ecossais Primitif au titre de ses documents fondateurs.