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Barnwall de Trimlestown

Comte Barnwall de Trimlestown (1708 – 1777)      (sources systématiquement citées)

Richard (Jean) de Barnwall de Trimlestown est le cadet d’une noble famille irlandaise. Est-ce par fidélité à la devise de sa famille ‘‘Malo mori quam foedari’’ (J’aime mieux mourir que trahir) qu’il quitta l’Irlande et devint ‘‘habitué’ dans le royaume. Il obtint en décembre 1746 des Lettres de naturalité. Plusieurs des membres de la famille catholique et jacobite des Barnwall furent tués au service du roi. Milord de Tyrconnel, ambassadeur de Louis XV auprès de Frédéric II, était cousin issu germain des Barnwall. Le 27 mars 1767, le duc de Fitzjames et Arthur Richard Dillon, archevêque de Narbonne, signaient un certificat de Richard Barnwall attestant sa qualité de catholique romain comme de ‘‘Frère puîné de milord Trimleston[1] (sic), Pair d’Irlande’’. […]

C’est ce Richard de Barnwall qui est le fondateur de la Maçonnerie à Toulouse[2]. Est-ce bien toutefois en 1747, comme l’écrit G. Martin, que Barnwall créa la loge qui portera le nom d’Ecossais fidèles, puis de Sagesse et Union, enfin celle de Sagesse tout simplement ? (Manuel d’Histoire de la Franc-Maçonnerie, 3e éd. 1934, p. 43).

Le fils de Richard, Nicolas, dans une pièce non datée écrit : « … Qu’il est doux, qu’il est flatteur pour moi en particulier, mes Très Chers Frères, d’être l’organe dont cette Grande Loge Nationale a bien voulu se servir pour la restauration d’un temple duquel quelqu’un à qui je tenais de si près avait jeté les premiers fondements … » (Archives Haute-Garonne, E 29, pièce 56).

De leur côté, le 29e jour du 1er mois de l’an de la V:.L:. 1784, les Vénérables de Toulouse s’adressent ainsi à Nicolas de Barnwall : « … C’est vers vous comme étant le fils de l’illustre fondateur de la Maçonnerie dans les Orients de France et le digne héritier de ces (sic) vertus et de ces (sic) talents que le Comité Général des Loges élèvera ses réclamations… ». (Arch. Haute-Garonne, E 29, pièce 55,A). Le Bihan donne aussi un extrait du registre de la Respectable Loge de Clermont en date du 29 mars 1783 et qui atteste que le fondateur de la loge ancienne a bien été « … le feu comte de Barnwall… ».

Ce n’est qu’en 1747, d’après G. Martin, que Richard de Barnwall aurait fondé la loge ancienne. Le 21 mars de cette même année, l’archevêque de Toulouse, Mgr de La Roche Aymon, écrivait au cardinal Fleury : « Mgr, Je croy ne devoir point laisser ignorer à vote Eminence que deux anglais nommés Barnaval1, frères du célèbre médecin de ce nom, ont fait depuis quelques temps dans cette ville, un établissement de fran-massons. Leurs assemblées sont fréquentes et nombreuses, les gens qui les composent sont de tout état, de tout âge et de toutes conditions et le secret en est impénétrable ». (Arch. Aff. étrang., Languedoc, vol. 1649, f°s 162-163).

En conclusion, ce n’est pas Jean de Barnwall, mais Richard et ceci non en 1747, mais en 1742, qui a été le fondateur de la loge ancienne. C’est le père de Richard qui portait le nom de Jean (Arch. Haute-Garonne, E 28, pièce 26). Est-ce uniquement aussi pour sa ‘‘foi catholique’’ que Richard s’est établi en France (G. Martin, op. cit., p. 42). N’est-ce pas plutôt en qualité de puîné obligé d’aller chercher fortune ailleurs ?  La consultation que nous avons faite du dossier des Barnwall conservé aux Archives de la Haute-Garonne permet de rectifier quelques assertions de G. Martin.

Nicolas (1729-1812) fut Maçon dans les mêmes loges que celles de son père, et Vénérable en 1780. Il émigra en 1792 et se retira en Irlande. En 1796, il succède à son cousin comme 13e baron Trimelston1 et se remarie en 1797. Il mourra octogénaire, mais nous ignorons s’il joua un rôle quelconque dans la Maçonnerie irlandaise. (Weil F., Les Barnwall et la Maçonnerie toulousaine, Chroniques d’histoire maçonnique, 1980, p. 35-48 ; Taillefer M., op. cit., p. 254).

Nous complétons cette approche de Richard de Barnwall, puisée dans le Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie, d’un morceau d’étude de la maçonnerie toulousaine issue de l’ouvrage d’André Kervella ‘‘La Passion écossaise’’, que nous reprenons ci-après.  La question est de comprendre en quoi Barnwall serait ou non porteur de la flamme écossaise. Avant de s’installer à Toulouse en 1740, il vivait à Dublin. Il était déjà franc-maçon. Nous pouvons donc volontiers accepter l’hypothèse d’une absence d’activité en France, que ce soit à Paris, à Versailles ou ailleurs. En outre, le grand maître qui lui aurait délivré sa patente n’est autre que son beau-frère Henry-Benedict Barnewall, quatrième vicomte de Kingsland. On ne voit pas pourquoi il faudrait alors supposer une connivence avec les Jacobites de l’exil. Encore une fois, les registres de Saint-Germain-en-Laye apportent des éclairages assez saisissants.

Dans les années 1690, les Barnwall réfugiés auprès de Jacques II sont nombreux. Leur attache avec ceux restés en Irlande ne peut pas être contestée. Par exemple, se manifeste Mary Hamilton, épouse de Nicolas Barnewall, troisième comte de Kingsland, père du futur grand maître irlandais et beau-père de Richard. Souvent, Bridget Barnewall, fille du neuvième lord de Trimlestown et femme du brigadier Christopher Nugent, assiste aux baptêmes, mariages ou inhumations, et c’est la tante de Richard. Les Dillon, les Lally, les Talbot, les Drummond sont parmi leurs intimes. […]

Quant à Robert, il est explicitement qualifié de fils aîné de milord (Richard) de Trimlestown, pair du royaume d’Irlande. Nous sommes le 24 juin 1736. On le croit à Dublin, il est en Ile-de-France, et ce n’est pas pareil. […] Autrement dit, à supposer qu’il n’est pas resté trois ans au même endroit, force est d’admettre qu’il affectionne les séjours prolongés dans la région parisienne, même en hiver. Il a un cousin, George, capitaine au régiment de Dillon qui, lui, y demeure. Ces quelques données prennent toute leur signification quand on s’aperçoit que les témoins qui se porteront garants de Richard, le jour où il sollicitera à la chancellerie de Louis XV reconnaissance de naturalité et de noblesse, seront Pierre Nugent, John Redmond, Arthur-Richard Dillon et le duc Charles de FitzJames. Donc, l’empreinte jacobite est indéniable ; et, si l’ont tient absolument à ce que les patente irlandaises signifient quelque chose, il ne faut pas se départir du principal. La référence est écossaise.

Quand Samuel Lockhart[3] vient lui apporter en 1747 le quatrième grade du système, quand il dit que les frères sont des ‘‘Ecossais fidèles’’, selon l’appellation ensuite conservée par la tradition, quoi de plus normal. Les deux hommes s’inscrivent dans le mouvement assez prononcé de renforcement des attaches en faveur de la maison Stuart. On peut discuter à ce moment sur la cohabitation d’une ou plusieurs loges dans Toulouse, avec au moins un chapitre ayant vocation à les coiffer ; on ne peut pas imaginer une seconde que les principaux intéressés délaissent soudain leur marquage partisan.

Nous retiendrons de l’ouvrage d’André Kervella, que s’il y a lieu de prendre en considération le rôle joué par le comte Richard de Barnwall à Toulouse, il appartenait à une famille dont les liens étaient étroits avec les partisans de la dynastie Stuart. Mais, il convient de s’interroger sur sa réelle implication de pionner de la maçonnerie toulousaine comme l’assure une certaine tradition, de même que sur son ‘‘mandat’’ du grand maître de l’Obédience irlandaise, alors que René le Forestier confirme son affinité jacobite et qu’il situe ses interventions dans les années 1760.

(Document déposé sur le site du Rite Ecossais Primitif en décembre 2013)


[1]   Les noms sont bien orthographiés comme précisés.

[2]   Cité par Robert Ambelain dans son abrégé historique du Rite Ecossais Primitif en 1747 : fondation de la Loge Les Ecossais Fidèles à Toulouse, qui aurait été rebaptisée par la suite La Vieille Bru.

[3]   Samuel Lockhart est le petit-fils de George Lockhart of Carnwarth, cousin germain du duc de Wharton, très actif lors du soulèvement manqué de 1715. Samuel et son jeune frère George sont réellement familiers des hautes sphères jacobites.