Kiosque littéraire Rite Ecossais Primitif |
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Ouvrage |
La Franc-Maçonnerie, un chemin initiatique humaniste |
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Auteur | Bernard Baudoin | |
Edition | …..Editions de Vecchi – janvier 2000 | |
Extraits | …..Aux sources de la Franc-Maçonnerie |
L’élan novateur des loges britanniques (page 25)
C’est en premier lieu en Grande-Bretagne que la transformation de la Franc-Maçonnerie, de sa fonction opérative en une dynamique essentiellement spéculative, s’opère avec le plus de clarté. Nous sommes alors au milieu du XVe siècle et la Franc-Maçonnerie opérative de pure souche y est encore très vivante. Ce n’est malheureusement déjà plus le cas en France comme en Allemagne, où les confréries maçonniques sont temporairement condamnées au silence et à la discrétion, car suspectées par les autorités de l’Etat de menées subversives visant à mettre en place sinon un contre-pouvoir, du moins des groupes factieux incontrôlés. C’est donc outre-Manche que la mutation va se produire, conférant désormais à la Franc-Maçonnerie une autre dimension. En réalité, le renouveau vient des loges écossaises. La raison en est simple : grâce à un privilège accordé par Jacques II (roi d’Ecosse de 1437 à 1460) en 1439, elles bénéficient de la protection héréditaire des seigneurs Saint-Clair de Rosslyn. Or l’un d’eux vient à visiter l’Italie et rencontre avec un grand enthousiasme des maçons italiens. De retour dans son pays, il s’empresse de faire venir en Ecosse lesdits maçons, les unissant à des maçons écossais au sein d’une confrérie commune rencontrant immédiatement un vif succès. En Angleterre, il faut attendre près d’un siècle et demi avant que Jacques Ier (1566-1625 : roi d’Angleterre de 1603 à 1625, également roi d’Ecosse de 1567 à 1625 sous le nom de Jacques VI) ne se déclare ouvertement protecteur de la Maçonnerie…
Alors qu’elle prend de l’envergure, la Franc-Maçonnerie se dote peu à peu de structures institutionnelles. En devenant le point de focalisation de la noblesse, et plus généralement de tous ceux qui détiennent les rênes économiques du pays, elle est appelée à jouer désormais un rôle social. Les personnages les plus puissants ne s’y trompent pas, qui multiplient à son égard les influences politiques et religieuses. C’est ainsi que, dans l’Angleterre du XVe siècle, on voit dans un même élan les Stuarts, comme leurs ennemis de la maison d’Orange, et plus tard celle de Hanovre, essayer de rallier les notables à leur cause, les uns et les autres tentant de manipuler guildes et corporations en leur faveur. Les loges acquièrent véritablement la dimension d’un levier de pouvoir avec lequel il faudra désormais compter. On ne peut manquer de souligner qu’il s’agit là d’une forme déviée de l’esprit maçonnique initial, utilisant certes l’idéal de fraternité et de spiritualité dans l’enceinte de la loge, mais le galvaudant trop souvent aux seules fins de sordides tactiques politiques hors de celle-ci. Ces menées parallèles ne font que confirmer le déclin de la maçonnerie opérative des ouvriers constructeurs au bénéfice des puissants courants de la spéculation pure…
La sauvegarde de l’idéal maçonnique (page 28)
Il apparaît très vite aux plus hautes instances de la Franc-Maçonnerie anglaise que les risques de détournement de l’idéal maçonnique sont bien plus grands qu’il n’y paraissait de prime abord. Il devient urgent de contenir les effets négatifs et de préserver l’essence même de ce qui a fait la force et la grandeur des premières confréries… D’où la volonté de créer une instance maçonnique supérieure ayant pour fonction de chapeauter l’ensemble des loges, de superviser la régularité de leur existence et le fondement éthique de leurs travaux,… au sein d’une organisation intitulée ‘‘Grande Loge’’. Les quatre premiers grands maîtres de la Grande Loge de Londres – Anthony Sayer (1717), George Payne (1718 et 1720), Théophilus Desaguliers (1719), le duc de Montagu (1721) – réalisent tout à tour un travail considérable, à la fois pour rassembler tous les écrits et toutes les chartes concernant la maçonnerie mais également pour jeter les bases d’un règlement. Il faut attente 1723 pour voir enfin publié, sous la direction du duc de Wharton comme grand maître, le Livre des Constitutions. […]
L’empreinte des précurseurs. Irlande et Ecosse dans la foulée de l’Angleterre (p. 36)
L’Irlande et surtout l’Ecosse se révèlent très vite des terres aussi fertiles que l’Angleterre aux idéaux maçonniques. Les premières traces d’une loge irlandaise non opérative remontent à 1688, et c’est dès 1725 que l’on a connaissance, à Dublin, d’une Grande Loge qui regroupe six loges. De tout temps, la maçonnerie irlandaise restera attachée aux formes les plus traditionnelles, prenant partie pour les Anciens – avec qui elle s’allie officiellement – lors du schisme anglais…
L’Ecosse doit également être associée au fantastique élan maçonnique qui enflamme les îles britanniques au XVIIIe siècle. Si les loges opératives existaient bien avant 1600, ce n’est qu’après 1717, s’inspirant du modèle anglais, qu’apparaît la maçonnerie spéculative. En 1736, on recense déjà pas moins de trente-trois loges se réunissant pour élire leur grand maître, William Saint-Clair de Rosslin, le noble descendant d’une famille de protecteurs héréditaires des loges écossaises… Tout comme les Irlandais, les Ecossais restent attachés aux rites traditionnels. Refusant catégoriquement toute altération ou toute adaptation, ils se retrouveront eux aussi, par nature, dans le camp des Anciens. Avec toutefois une particularité proprement écossaise, ‘‘la fidélité indéfectible de beaucoup à la maison des Stuarts et à la religion catholique, seule ‘‘Sainte Eglise’’ pour eux aux termes des vieilles obligations’’ (cf. Paul Naudon). A l’égard de ses voisines, la maçonnerie écossaise n’en connaîtra pas moins des divisions internes, les querelles s’estompant finalement avec le temps. Ce n’est qu’en 1807 que la réconciliation sera effective, avec le regroupement des loges écossaises au sein de la Grande Loge d’Ecosse. Le ‘‘Suprême Conseil du Rite Ancien et Accepté’’ est finalement constitué à Edimbourg en 1846 ; il confirme son attachement aux rituels traditionnels d’affirmation chrétienne. […]
L’implantation maçonnique en France (page 43)
Nous l’avons vu, la Franc-Maçonnerie spéculative pénètre en France ‘‘dans les bagages’’ des Stuarts exilés de Grande-Bretagne. Lorsqu’ils foulent le sol français pour la première fois, les régiments écossais et irlandais, émigrés à Saint-Germain-en-Laye, affichent des pratiques maçonniques bien antérieures à la constitution de la Grande Loge de Londres en 1717 ; elles remontent en fait à la fin du XVIIe siècle. A partir de 1720, deux courants trouvent en France un terrain fertile pour se développer : d’une part la Franc-Maçonnerie écossaise, traditionnaliste, à forte influence catholique ; de l’autre la Franc-Maçonnerie anglaise, réformiste, immatriculée à Londres.
La religion étant très présente dans la France de l’époque, les loges écossaises, qui fonctionnent selon les préceptes anciens autrefois en vigueur dans les loges opératives, se multiplient rapidement. Par contre, les loges anglaises, en rupture avec le classicisme religieux, éprouvent plus de difficultés à rallier de nouveaux frères à leurs conceptions modernes. Malgré des différences très sensibles, on ne peut cependant parler d’affrontement entre ces deux orientations, qui vont rapidement prendre de l’ampleur. Quelques exemples suffisent à cerner le bouillonnement spirituel et intellectuel qui déferle alors sur la France entière : en 1721 apparaît à Dunkerque la loge anglaise L’Amitié et Fraternité, en 1726 la loge écossaise Saint-Thomas s’installe à Paris, en 1735 naît dans la capitale la Loge de Buci, mais aussi la Loge d’Aubigny, 1737 est l’année de la constitution de la loge La Parfaite Union à Valenciennes,…
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La diffusion des idéaux de la Franc-Maçonnerie et la création de nouvelles loges n’en continuent pas moins. En 1771, on recense 154 loges à Paris et 322 en province, dont 21 sont militaires.
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