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La Passion Ecossaise

   Kiosque littéraire Rite Ecossais Primitif   
 Ouvrage

LA PASSION ECOSSAISE

 Auteur

André Kervella

 Edition …..Editions Dervy – décembre 2002
 Extraits …..4ème de couverture et préface

L’ouvrage d’André Kervella se veut répondre à la question très simple des origines de la Franc-Maçonnerie, et nous invitons tout particulièrement le lecteur de notre site à découvrir ce livre passionnant. Pour synthétiser l’ouvrage, nous n’avons pas trouvé mieux que de reprendre les avis de Daniel Kerjan et d’Edward Corp.

Nous reproduisons donc ci-après, les deux extraits suivants :

Placée sous la signature de Daniel Kerjan, ci-après la ‘‘quatrième de couverture’’ de ce livre :

Il fallait bien qu’un jour l’histoire des origines de la franc-maçonnerie en Ecosse, en Angleterre et en France sorte du domaine du mythe ou du fantasme pour s’inscrire dans le quotidien de la conquête du pouvoir politique et religieux dans l’Angleterre du XVIIe et de la première moitié du XVIIIe siècle. Et démontrer qu’à l’origine l’initié écossais, qui peut du reste être breton ou français, est un conjuré jacobite aux seuls motifs opportunistes, oeuvrant pour la restauration des Stuarts sur le trône d’Angleterre. Quant à la franc-maçonnerie anglaise, elle n’apparaît au tournant du siècle que pour faire pièce et, n’en déplaise aux fables andersoniennes – une des plus remarquables manipulations historiques jamais enregistrée, et qui jouit toujours d’une postérité vivace – son œcuménisme affiché masque nombre d’arrière-pensées très politiques.

Il convient en conséquence, de réécrire dictionnaires et encyclopédies, et de donner à ‘‘L’Art Royal’’ une acception inédite, car force est de constater qu’il n’existe aucune liaison entre de supposés maçons ‘‘opératifs’’ et quelques ‘‘spéculatifs’’ venus les phagocyter. Sans doute est-il moins glorieux pour l’Ordre maçonnique en général et pour les différents rites dits ‘‘écossais’’ de compter comme seuls ancêtres directs des activistes politiques antagonistes, plutôt que comme d’hypothétiques intellectuels branchés qui se seraient frottés à d’honorables tailleurs de pierre épris de symbolisme, mais les résultats de la recherche menée par André Kervella ne laissent aucun interstice où pourrait s’infiltrer la fable.

Le deuxième extrait concerne la préface signée Edward Corp, Professeur des Universités Toulouse-le-Mirail :

Bien qu’il soit reconnu que la Franc-Maçonnerie, et en particulier la maçonnerie écossaise, apparaisse pour la première fois en France dans la première moitié du XVIIIe siècle, il n’a jamais été possible aux historiens de l’Art Royal de s’entendre sur le pourquoi et le comment de cette émergence. Dans ce livre capital, André Kervella démontre en ne laissant aucune place au doute que la Franc-Maçonnerie a été introduite en France par les Jacobites.

En 1689 Jacques II est en effet chassé des trônes d’Angleterre et d’Ecosse où la Franc-Maçonnerie, déjà bien établie, est intimement liée à la dynastie des Stuarts. Vaincu en Irlande en 1690, il doit se réfugier en France, où le rejoignent des milliers de partisans, les ‘‘Jacobites’’, dont un certain nombre de francs-maçons. Louis XIV lui offre comme résidence d’exil le Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, où il constitue une Cour importante. C’est là que la Franc-Maçonnerie fait son entrée en France.

Jacques II meurt en 1701. Son fils Jacques III quitte Saint-Germain en 1712, et rétablit sa Cour au Palazzo Mutti à Rome en 1719. Mais les familles jacobites qui habitent le château de Saint-Germain ont obtenu le droit de rester dans leurs appartements, et chaque fois qu’un appartement est libéré, il est immédiatement occupé par un autre Jacobite.  Si bien que pendant plusieurs dizaines d’années les occupants du château sont exclusivement anglais, irlandais ou écossais. Ce monopole jacobite sur l’occupation du château de Saint-Germain dure jusque dans les années 1750, et durant toute cette période bon nombre de ses habitants sont francs-maçons. Pratiquement tous les premiers francs-maçons connus en France ont un lien avec la Cour de Saint-Germain, et demeurent au château une partie de leur vie. Comme par exemple le 5ème comte de Derwentwater et Hector, 1er baron MacLean, tous deux Grands Maîtres de la Grande Loge de France entre 1731 et 1738. Ce sont ces Jacobites qui créent le système de hauts grades à vocation élitiste connu sous le nom de ‘‘Rite Ecossais Ancien et Accepté’’ après avoir perdu le contrôle de la Grande Loge de France en 1738.

Cette thèse des origines jacobites de la Franc-Maçonnerie en France n’a pas été jusqu’ici acceptée pour plusieurs raisons. La première tient au manque de documents spécifiques dans les archives d’avant 1720 – bien que, comme André Kervella le démontre dans ce livre, il en existe beaucoup plus qu’on ne l’avait cru. Mais les principales raisons sont plus fondamentales. Les historiens de la Franc-Maçonnerie française, fourvoyés par la défaite finale des Jacobites, en ont déduit à tort que leur mouvance était peu représentée en Angleterre. Il s’agit d’une erreur d’autant plus compréhensible que l’historiographie britannique elle-même a été dominée jusque vers la fin des années 1970 par une interprétation ‘‘whig’’ de l’histoire d’Angleterre, et donc par la version des origines de la Franc-Maçonnerie fournie par les Hanovriens. Mais depuis vingt-cinq ans l’importance du Jacobitisme dans l’Angleterre du XVIIIe siècle a fait l’objet d’un grand débat historique qui a totalement bouleversé les idées reçues sur la vie des partis politiques de l’époque. Il est aujourd’hui admis que le Jacobitisme a été la grande question politique du début du XVIIIe siècle, la majeure partie du pays étant en fait favorable à la restauration des Stuarts, au moins durant une trentaine d’années après 1715. Mais alors que l’histoire politique de cette période a connu une véritable réécriture, l’histoire de la Franc-Maçonnerie, fidèle au mythe ‘‘whig’’ désormais discrédité, est restée à la traîne loin du courant actuel de l’historiographie. Aussi les historiens de la Maçonnerie ont-ils continué à sous-estimer l’importance du Jacobitisme, et son rôle dans les luttes pour le pouvoir au sein de la Franc-Maçonnerie.

Une autre raison de ce retard s’explique par le fait que jusqu’à une époque récente aucune recherche approfondie n’avait été menée sur la Cour des Stuarts en exil à Saint-Germain-en-Laye, et sur les centaines de Jacobites qui ont servi la maison royale avant et après le départ de Jacques III en 1712. Sans les résultats d’une telle recherche, il n’est guère surprenant que des conclusions fermes restaient impossibles, car on passait à côté de maints détails essentiels, et les historiens de la Franc-Maçonnerie continuaient à avoir des avis divergents. Mais ces recherches sur la Cour en exil ont maintenant été effectuées, et les Jacobites demeurant et travaillant au Château ont été identifiés avec précision, ce qui a permis l’émergence d’une interprétation nouvelle des événements, qui malgré son évidence ne pouvait jusque là être soutenue contre la version Hanovrienne. C’est là une des grandes forces de l’ouvrage d’André Kervella : il fournit un récit à la fois complet et cohérent des origines de la Franc-Maçonnerie en France, et du développement ultérieur de la maçonnerie écossaise, en réfutant les arguments de ceux qui ont douté – ou qui ont voulu minimiser – l’influence des Jacobites exilés. Son livre rend caduc la plupart des ouvrages publiés sur la question. Il donne enfin à tous ceux qui s’intéressent au sujet les preuves si longtemps attendues, et ils ne pourront que lui en être toujours reconnaissants.

Mais son livre a également une signification plus large, et s’applique à l’Europe dans son ensemble. Il change complètement notre compréhension du développement de la Franc-Maçonnerie en Angleterre entre 1603 et 1688. Il montre en effet comment une branche nouvelle et rivale de la maçonnerie Jacobite émerge durant les années 1690, et comment elle triomphe finalement en créant et en contrôlant la Grande Loge Hanovrienne à Londres en juin 1717, puis en réécrivant à sa manière l’histoire de la Franc-Maçonnerie, avec la publication en 1723 du texte fondateur que sont les Constitutions d’Anderson, et en prenant le contrôle de la Grande Loge de France en 1738.

L’analyse conduite par André Kervella de ce décalage entre les Jacobites et les Hanovriens, en Angleterre puis en France, permet d’apprécier la signification exacte de la bulle In Eminenti, promulguée en avril 1738 par le pape Clément XII à la demande de Jacques III.

Contrairement à ce que l’on a pensé, cette bulle n’est pas dirigée contre toute la Franc-Maçonnerie mais seulement contre sa version Hanovrienne. La Franc-Maçonnerie Jacobite était en effet essentiellement, voire exclusivement catholique, tandis que les Hanovriens acceptaient parmi eux non seulement des protestants et des catholiques, mais aussi des non croyants. A l’époque le cardinal Corsini, neveu du pape, remarque d’ailleurs que c’est seulement la forme Hanovrienne de la franc-maçonnerie qui mérite d’être condamnée par Rome : la Franc-Maçonnerie ancienne pratiquée par les Jacobites était parfaitement acceptable par l’Eglise catholique.

En 1755, après la disparition du Jacobitisme en tant que mouvement politique, et alors que le gouvernement français n’est plus pro-hanovrien, la Grande Loge de France affirme enfin son catholicisme, et reconnaît formellement les degrés supérieurs du Rite Ecossais Ancien et Accepté. C’est alors que s’installent le malentendu et l’oubli des origines Jacobites de la Franc-Maçonnerie en France. André Kervella a enfin su résoudre le mystère.

Nota :  Le numéro suivant de notre Kiosque a pour thème : l’exil de Jacques II qui marque plus particulièrement le départ de la Franc-Maçonnerie en France. Cet article paru dans un numéro spécial de la revue Historia (juillet-août 1997) est signé du même auteur que celui de la préface du livre d’André Kervella.

La page de couverture de cet ouvrage reprend le portrait de Philipp, duc de Wharton, Grand Maître de la Grande Loge de Londres en 1722.