Thème : Un regard sur les premiers Francs-Maçons de l’Ecosse
Les premiers jacobites
Auteur : Exposé présenté par le Comité de Rédaction
Mis en ligne en septembre 2014
L‘avènement de la dynastie Stuart
Les historiens nous apprennent que l’Ecosse devint un véritable royaume féodal en 1124 sous le règne de David I.
C’est alors que le pays s’ouvrit à l’arrivée de chevaliers normands et flamands. C’est aussi à cette période que se développa un élan monastique, particulièrement sous les auspices des Cisterciens, dont l’Ordre marqua de son empreinte toute l’Europe sous l’action dynamique de saint Bernard, rédacteur par ailleurs de la Règle templière.
A cette époque, le roi le plus célèbre de l’histoire de l’Ecosse fut sans conteste Robert Bruce, vainqueur de la bataille de Bannockburn en 1314.
On lui prête le dessein de vouloir fonder un véritable royaume celtique. Il faut savoir que la côte ouest du pays a été peuplée de gens venus d’Irlande – du nord principalement – et que le christianisme a du mal à supplanter les croyances chères aux peuples celtes.
La fille de Robert Bruce épousa Walter le Steward. La famille de Walter était détentrice du titre héréditaire de Steward of Scotland, sorte d’intendant, de régisseur, à l’instar du titre de Maire du Palais, que détenaient les carolingiens sous la dynastie mérovingienne. Et tout comme les carolingiens, les Steward accédèrent à la royauté.
C’est le petit-fils de Robert Bruce, le fils de Walter, qui montera sur le trône d’Ecosse en 1329 et qui règnera sous le nom de Robert II. Robert fut donc le premier représentant de la lignée Stuart, le nom de Steward se transformant en Stuart.
La dynastie Stuart a vraiment régné sur l’Ecosse de 1371 à 1714.
Fait intéressant, un lord Bruce est Député Grand Maître du Royal Order of Scotland en 1960. Sans doute, y-a-t’il là un lien de parenté avec notre célèbre Robert Bruce ?
L’Ecosse, refuge des Templiers
La bataille de Bannockburn opposa écossais et anglais le 24 juin 1314, à la saint Jean, date éminemment significative pour les Chevaliers du Temple … et les Membres de nos Loges aux Grades symboliques. [1]
Le sort de cette bataille est en jeu lorsque du côté écossais surgissent des cavaliers qui bousculent les archers anglais. Il semblerait que ces cavaliers se tenaient en réserve. Ces derniers, appelés par les anglais ‘’nouvelles forces’’, ont manœuvré d’une façon déterminante pour l’issue victorieuse de la bataille. L’armée anglaise, mieux équipée et plus aguerrie, comptait dans ses rangs bon nombre de chevaliers. L’armée écossaise, moins experte que sa rivale, comprenait peu d’hommes à cheval. En revanche, il paraîtrait que leurs cavaliers écossais, à l’origine d’une véritable retraite du côté anglais, n’étaient autres que des Chevaliers du Temple.
Nous verrons, dans un paragraphe suivant, que tout porte à croire que des Chevaliers dits Templiers s’étaient bel et bien réfugiés en Ecosse à la suite des événements survenus en 1304, aux fins de la conspiration, à l’encontre de leur Ordre, ourdie par le roi de France, Philippe le Bel. Ces guerriers ‘’professionnels’’, dont le concours ne pouvait qu’intéresser Bruce, ont un point commun avec lui, celui de l’excommunication.
Après l’assassinat le 10 février 1306 de son adversaire John Comyn, Bruce avait fait acte d’allégeance en faveur d’Edouard d’Angleterre et il devenait de fait l’allié de celui-ci, fort désireux d’annexer l’Ecosse à son royaume. Bruce, excommunié pendant plus de dix ans, fera l’objet d’une deuxième excommunication en 1318 pour s’être rangé aux côtés de ses évêques qu’un conflit opposait au pape.
Il convient de souligner que les chroniques de l’histoire ne font pas mention de la participation des Templiers à cette bataille, pour laquelle il est relaté ce qui suit :
- rude défaite pour les anglais, pour ne pas dire ignominieuse, si bien que le roi d’Angleterre n’est sans doute pas enclin à avouer et admettre la présence sur le terrain des Chevaliers du Temple, alors qu’il avait reçu mission de son cousin Philippe et du pape de s’en emparer. L’armée anglaise vaincue n’a donc pu se saisir des Chevaliers du Temple, lesquels se sont alors réfugiés en Ecosse ;
- première victoire historique contre l’ennemi venu du sud pour les écossais qui entendent brandir seuls, et sans partage, le trophée du triomphe d’un nationalisme naissant ;
- un second intérêt pour Bruce, le héros du jour, qui ne veut pas provoquer le pape, dans la crainte d’une croisade contre l’Ecosse à l’exemple de celles qui se sont produites contre les albigeois et les cathares ;
- fidèles à la parole donnée et redevables à leur protecteur, Bruce, qui a donné aux Templiers asile contre promesse de leur aide en cas de bataille, ceux-ci ont grand avantage à rester effacés dans cette affaire.
Parmi les biens des Chevaliers du Temple, nous perdons toute trace de leur flotte navale depuis la dissolution de l’Ordre et la distribution de leurs biens. N’oublions pas que cette flotte, importante et puissante, conduisait les pèlerins en Terre sainte en toute sécurité. De plus, elle constituait un atout indispensable à leur commerce florissant. Selon certains auteurs britanniques, cette flotte aurait permis aux Chevaliers de parvenir jusqu’à la côte ouest de l’Ecosse en contournant l’Irlande. Outre les hommes, auraient été transportés armes – précieuses pour l’armée de Bruce – et bagages contenant le fameux trésor des Templiers. Quoiqu’il en soit ces auteurs britanniques, parmi lesquels on peut citer Addison, Aitken, Seward, Haye et Bothwell-Gosse, dans leur ouvrage respectif sur les Chevaliers du Temple, font allusion à l’Ecosse considérée comme terre d’asile et de refuge.
En Angleterre un Concile, réuni le 25 novembre 1309 en l’église Saint-Paul à Londres, statue sur le sort des Chevaliers et lève toutes les accusations dont ils sont accablés. Le 6 octobre de la même année, sur ordre d’arrêt de tous les Templiers d’Ecosse prononcé par le roi Edouard d’Angleterre, seuls deux d’entre eux furent appréhendés. Déjà précédemment, le roi avait rappelé à l’ordre les shérifs des différents comtés pour obtenir l’arrestation des Membres de l’Ordre. Il semblerait, en cette affaire, que le roi ait cédé à l’insistance de son bon cousin, le roi de France, et de son complice papal. Il est à observer lors d’un interrogatoire, certes moins violent que ceux subis dans le royaume de France, faute d’experts dans le domaine, qu’un Chevalier anglais aurait explicitement déclaré la fuite et le refuge en Ecosse de ses Frères. Nous avons également relevé la disparition mystérieuse du Frère Pierre de Boulogne qui a échappé à l’interrogatoire des délégués pontificaux.
Force est d’observer le maintien et la préservation de leur patrimoine terrien en Ecosse. Il ne sera ni morcelé, ni démantelé comme le furent leurs propriétés partout ailleurs. Tant l’Ordre de Saint Jean que l’Ordre des Hospitaliers, quand ces derniers en avaient gardé la jouissance, seront incapables de l’assimiler. Par ailleurs autre constat est fait, deux cents ans après la dissolution de l’Ordre, de l’existence de réunions de Cours du Temple.
Au fil des années, voire des siècles suivants, ces terres sont demeurées la propriété d’un même groupe de familles, en particulier celle des Seton, cités parmi les partisans de la cause jacobite. A cet égard, nous savons que David Seton avait épousé la sœur de Bruce et qu’il devint Grand Prieur d’Ecosse.
Les Templiers, pont entre l’Occident et l’Orient
Si Philippe le Bel souhaite l’élimination physique des Templiers, c’est certainement d’abord pour des raisons politiques, ensuite financières. Pour parvenir à ses fins, il usera de prétextes d’ordre religieux avec la bénédiction d’un pape qui lui est débiteur.
Parmi les Templiers, figure une élite ou encore un ‘’cercle intérieur’’ dont les préoccupations sortent du champ guerrier. Durant l’implantation de l’Ordre au sein de la chrétienté d’Orient, des Frères entreront en contact avec des autorités politiques et religieuses. Egalement avec des sectes diverses auprès desquelles ils se trouveront confrontés à différents modes de pensée et de formes d’appréhension du monde.
Si Jérusalem et ses contrées avoisinantes peuvent être considérées comme des lieux saints pour le christianisme, elles n’en demeurent pas moins le berceau d’autres religions monothéistes. En témoigne l’âpreté de la lutte, dans le partage et la possession des territoires, qui oppose encore de nos jours les peuples de cette région du Moyen-Orient.
Si ces hommes ont pu apprécier le merveilleux, les légendes, mais également la cruauté contenue dans bon nombre d’Ecritures, ils ont tout autant pu se rendre compte des contradictions qui sont rapportées dans le Nouveau Testament au travers de la lecture des textes bibliques des différents apôtres et évangélistes. De plus, leurs découvertes ont vraisemblablement été confortées et rendues aisées par l’accès à des manuscrits anciens, donc non expurgés, et par la transmission de traditions orales.
Au cours du procès des Templiers, les inquisiteurs ont appris, avec le concours des ecclésiastiques experts en torture, qu’il était demandé au nouveau Chevalier de cracher sur la croix et le crucifié lors de sa prestation dernière de serment. Robert Ambelain veut y voir le refus des Templiers de confondre Jésus avec Dieu, dès lors qu’adorer le crucifié serait un sacrilège permanent à l’égard de la véritable entité divine. Ces mêmes inquisiteurs ont découvert que les Templiers vouaient un culte à une tête, dénommée Baphomet. Sans doute est-il permis de rapprocher ce curieux culte de celui de la tête chez les Celtes, la tête étant le siège de l’âme.
Alors, est-ce leur connaissance des origines du Christianisme qui serait à l’origine de leur perte ? Ou est-ce le secret partagé par les albigeois et les cathares, ces populations discrètement protégées par la bienveillante neutralité des Frères du Temple, qui chose curieuse, voulaient établir une principauté en Languedoc ? Ce projet, qui menaçait les desseins de Philippe le Bel, avorta. L’épopée cathare se termina sur le bûcher de Montségur et par le sang de Toulouse versé. Le Grand Maître des Templiers, Jacques de Molay, âgé de soixante et onze ans, et son compagnon Charnay, guère moins âgé, furent brûlés vifs.
La disparition de l’Ordre du Temple relève d’une phase cruciale de l’histoire médiévale et ne restera pas sans conséquence. La première a trait aux Compagnons jouissant de la protection des Templiers qui, pris en tant que ‘’tiers ordre corporatif’’, vont cesser sur l’heure leurs travaux. Les chantiers des cathédrales seront arrêtés et les ouvrages resteront inachevés. La seconde portera sur la transmission du savoir, dont le tronc oriental va se tarir. Il en est de même pour l’avancée significative des connaissances et d’autres cultures, telles que l’alchimie, la médecine et la kabbale.
La Garde écossaise
Bon nombre d’auteurs associent la Garde Ecossaise à une formation néo-templière. Les écossais étant des hommes rudes et courageux, dont les services semblent avoir été particulièrement prisés en France, ils se sont très tôt ‘’exportés’’ comme soldats. Ainsi, nous trouvons un contingent d’écossais à la bataille de Verneuil le 17 août 1424 aux côtés du roi de France. Parmi eux, Sir William Seton et un commandant du nom de John Stewart.
Ce contingent se distingue à tel point en la bataille, que le roi créa une unité spéciale en reconnaissance du travail accompli, une véritable garde personnelle. Cette garde, qui lui sera rattachée, est composée de treize hommes d’armes et de vingt archers, soit un total de trente-trois hommes.
Au siège d’Orléans en 1429, à côté de Jeanne d’Arc et commandant ses troupes, nous retrouvons Sir John Stewart. A noter également que l’évêque d’Orléans, John Kirkmichaël, est un écossais. En 1445 le roi de France, Charles VII – qui doit sans doute sa couronne à la pucelle d’Orléans – créa la Compagnie des Gendarmes Ecossois. En 1612 la formation militaire, issue des compagnies écossaises, sera commandée par le duc d’York, futur roi d’Angleterre sous le nom de Charles I Stuart. En 1624, les états de la Garde recensent trois membres de la famille Seton.
Dans de telles circonstances, il nous paraît difficile de ne pas voir en cette Garde Ecossaise une continuité de l’Ordre du Temple, à l’appui de la présence, dans ses rangs tout au long des siècles, des mêmes familles attachées à l’héritage écossais du Temple. Gageons simplement qu’une communauté d’esprit animait ces hommes.
La vague hermétiste
La fin du Moyen-âge connût deux leviers importants, sans doute influents sur l’avènement de ce que l’on nomme la Renaissance, et incisifs parce qu’ils permettront un retour en puissance d’un courant ésotérique et hermétiste en Europe.
Il s’agit d’abord de la chute de l’Empire byzantin avec la prise de Constantinople par les turcs en 1453. Un véritable exode des populations se produisit en direction de l’Ouest. L’Europe de l’Est et centrale va se trouver gardienne d’une partie de l’héritage d’Orient.
Ensuite vint la réunion des royaumes d’Aragon et de Castille qui s’opéra par le mariage de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille. Ces deux monarques avaient décidé d’extirper de leur nouveau royaume toute ardeur maure et juive. Telle qu’analysée par un auteur espagnol, dans un ouvrage traitant de l’expulsion des maures et des juifs, ce dernier évoque la question de bannir de la société ibérique à la fois la sensualité des maures et l’intelligence des juifs.
Avec ces deux bouleversements, l’Europe bénéficia de l’ésotérisme ibérique et du savoir de l’ancienne Alexandrie : Kabbale, Gnosticisme et bien vraisemblablement par extension le Rosicrucianisme.
Il est patent de constater, moins d’un siècle après ces mutations idéologiques, l’explosion des mouvements réformateurs de Martin Luther (1483-1546), Ulrich Zwingli (1484-1531) et Jean Calvin (1509-1564). Pour ces réformateurs, il était question de revenir à un christianisme semblable à celui des origines. Les pays qui se montreront les plus réceptifs sont, non sans surprise, la Hongrie, le Palatinat, mais aussi les Pays-Bas et l’Ecosse.
L’Ecosse, par acte de son Parlement en 1560, abolît toute autorité papale. Il fut aussi affirmé que l’ésotérisme pénétra le pays consécutivement au mariage en 1503 de Jacques IV et de Marie de Guise.
Les rigides dogmes catholiques romains vont être battus en brèches par un courant de pensée qui peut se nourrir à des sources multiples. Les risques seront grands pour ceux qui pensent autrement. N’oublions pas que nous sommes dans une période de guerres de religion en Europe qui connaît un âge d’or pour l’Inquisition. L’intolérance religieuse a donné en France le massacre de la Saint-Barthélemy le 24 août 1572.
Ceux, pour qui la Gloire de Dieu se manifeste dans la forme et le nombre et non dans la représentation de formes diverses, sont taxés d’hérétiques. Forme et nombre donnent en synthèse la Géométrie et, par voie de conséquence, l’Architecture qui peut être envisagée comme une science tridimensionnelle. Ceux-là n’auront d’autre choix que celui de rejoindre le courant souterrain, creuset de la pensée occulte et hermétique.
Les Stuart, rois d’Angleterre et d’Ecosse
La dynastie Stuart accédera au trône d’Angleterre et règnera sur les deux royaumes de 1603 à 1714.
Nous allons tenter de voir quels liens unissent les Stuarts à la Franche Maçonnerie[1] et aux divers courants qui vont s’y fondre.
Jacques I (1603 – 1625)
Il chargea un conclave de réaliser une traduction anglaise de la Bible. Firent partie de ce conclave : Robert Fludd, interprète principal anglais de la pensée rosicrucienne et Francis Bacon, auteur des Essais, du Novum Organum et d’une œuvre restée inachevée, La Nouvelle Atlantide.
En 1583, William Schaw, confident du roi (alors Jacques VI d’Ecosse), est investi par celui-ci Maître d’Œuvre et Surveillant Général des Maçons. Il fut le rédacteur en 1598 des Statuts qui portent son nom et encore conservés par la Loge n° 1 Mary’s Chapel à Edimbourg.
Selon l’accord de Scone de 1658, un certain John Mylne, Maître Maçon et Maître de la Loge de Scone, répondant au propre désir de sa majesté, admit Jacques VI en qualité d’homme libre, maçon et compagnon (cf. David Stevenson).
Charles I (1625 – 1649)
Lorsque les écossais quittèrent Newcastle pour rentrer chez eux, ils laissèrent le roi Charles I entre les mains des commissaires du Parlement. Le roi, dans la guerre qui l’opposa au Parlement, s’était en effet réfugié auprès des écossais qui, après dix mois de débats et d’âpres discussions avec le roi, vont le livrer à ses ennemis. Charles fut décapité à Londres en 1649. Les Ecossais reçurent 100.000 £ qu’ils assimilèrent à un premier versement de la dette du Parlement.
Cette trahison fut lourde de conséquences, d’abord par la restauration de Charles II, pendant que les auteurs de la forfaiture et leurs alliés furent châtiés. Ensuite, et c’est cela qui nous intéresse, de nombreux nobles écossais et irlandais de l’entourage du roi se réfugièrent à Saint-Germain-en-Laye en France, à la suite de sa décapitation.
Charles II (1660 – 1685)
Proclamé roi d’Ecosse en 1651, Charles II envahira l’Angleterre. L’aventure tourne mal et il devra s’enfuir vers la France, où il séjournera lui aussi à Saint-Germain-en-Laye.
A la suite du décès d’Olivier Cromwell, Charles fut restauré sur le trône d’Angleterre en 1660. Il n’oublia naturellement pas de faire condamner par le Parlement écossais la ‘’livraison’’ en 1647 de Charles I aux anglais. Dès 1660 et sous son patronage, le Collège Invisible va devenir la Royal Society.
Parmi les fondateurs, nous trouvons : Elias Ashmole initié en 1646 et sir Christopher Wren, Grand Maître en 1685, Philippe duc de Wharton qui sera le sixième Grand Maître de la Grande Loge de Londres de 1722 à 1723. On relève également la présence du philosophe John Locke, auteur de Essai et Lettre sur la tolérance – Traité du gouvernement civil en 1689, du savant physicien et philosophe Isaac Newton, auteur des lois sur la gravitation, J.-Th. Désaguliers, troisième Grand Maître de la Grande Loge de Londres en 1719, enfin Andrew Michael Ramsay.
Il est admis par les historiens britanniques qu’à cette époque, rosicrucianisme, Franc-maçonnerie et Royal Society se confon-dent. Le roi a manifesté un profond intérêt pour l’alchimie, une de ses passions consistait dans l’observation d’expériences chimiques.
Fait important, le roi Charles II s’est converti au catholicisme à la toute dernière minute, sur son lit de mort.
Jacques II (1685 – 1689)
Son règne fut de courte durée, son attachement à la foi catholique en sera vraisemblablement la cause. Le 18 mars 1687, il manifesta son intention d’accorder la liberté de conscience à ses sujets et, le 4 avril de la même année, il promulgua la Déclaration d’Indulgence. Il déclara également vouloir retirer les lois pénales et le Test Act qui impliquent, pour accéder à certaines fonctions, l’obligation de prêter un serment ayant pour effet pratique d’écarter les catholiques. De nouveau, un roi Stuart va s’opposer au Parlement.
Jacques II fut contraint d’abdiquer en faveur de sa fille, Mary et de son époux Guillaume de Nassau. Ces derniers, membres de l’Eglise réformée, s’ils sont favorables à la tolérance religieuse, restent opposés au retrait du Test Act.
Après sa fuite en décembre 1688, Jacques II rejoint le port d’Ambleteuse en France avec son fils Francis Edouard. Il revint de nouveau à Saint-Germain-en-Laye. Il est dit qu’il fut l’un des membres fondateurs de1 la fameuse Royal Society. En 1662, encore duc d’York, il finança la publication des œuvres de Jacob Böhme, un mystique considéré comme le prophète des illuminés du XVIIIe siècle. Réfugié en France où il meurt le 6 septembre 1701, le roi déchu de son trône fréquenta le monastère de la Trappe et put pratiquer la foi catholique comme il l’entendait.
Les liens des Stuarts avec la France
Ces liens sont surtout familiaux et issus de mariages.
Marie Stuart
Elle épouse le dauphin François, fils d’Henri II et de Catherine de Médicis, qui régna brièvement sous le nom de François II. Elle fut ainsi reine de France de 1559 à 1560 et reine d’Ecosse de 1542 jusqu’à son abdication en 1567. Elle épousa en troisièmes noces l’assassin présumé de son deuxième mari, Lord Darnley. Elle fut décapitée en 1587 sur ordre d’Elizabeth I, qui aura pour successeur Jacques I, le fils de Marie Stuart.
Henriette-Marie
Fille de Marie de Médicis et du Bourbon Henri IV, et donc sœur de Louis XIII, Henriette-Marie épousa Charles I. En avril 1629, pendant le règne de Charles I, la France et l’Angleterre signèrent un traité de paix à Suse. Henriette-Mary a grandi à Saint-Germain-en-Laye. Elle fut la première reine de nationalité française depuis Marguerite d’Anjou, l’épouse du roi Henri IV d’Angleterre en 1445. Après l’exécution de son époux, elle devint l’invitée de sa belle-sœur régente du royaume avant la majorité de Louis XIV. Quant à la fille de Charles I, elle épousa le duc d’Orléans.
A l’exception de Jacques I, les rois Stuart seront toujours accueillis par les rois de France et séjourneront plus particulièrement à Saint-Germain-en-Laye.
Les défenseurs de la cause jacobite
La cause jacobite prend vraiment naissance à la destitution du roi Jacques II, contraint d’abandonner son trône. Il essaiera de le reconquérir depuis l’Irlande où le parti catholique est fort, du moins en nombre.
C’est à cette occasion que des milliers de soldats irlandais seront envoyés en France pour s’aguerrir, en échange de ceux partis en Irlande sur ordre du roi de France. Les troupes jacobites seront défaites en Irlande et le roi condamné à l’exil en France. Dans son entourage à Saint-Germain-en-Laye, se trouveront des militaires qui feront partie des Régiments écossais et irlandais.
Il faut rappeler que la première initiation en Angleterre enregistrée fut délivrée à Newcastle en 1641 par les membres de la Loge d’Edimbourg établis avec l’armée écossaise. Il s’agit de sir Robert Moray, Quatermaster General de l’Armée d’Ecosse.
Robert Ambelain, dans son ouvrage intitulé La franc-maçonnerie oubliée, évoque l’existence en France des Régiments Dillon et Walsh. Il est à relever qu’un certain James Walsh a affrété le navire qui ramena en France Jacques II en un lieu sûr. Son petit-fils, Anthony Vincent, avec le concours de Dominique O’Héguerty, fournira les navires qui permettront au prince Bonnie –le jeune prétendant– d’entreprendre l’invasion de l’Angleterre en 1745. De même on situe un général Dillon en tant que parent de Mrs. Sheldon, gouvernante du prince Bonnie.
Il est bien vraisemblable que des familles entières aient été totalement dévouées à la cause jacobite. C’est ainsi que Dominique O’Héguerty, qualifié de riche armateur, prépara un plan ingénieux, avec la complicité de deux personnages, Walsh et Ruttlidge, pour s’assurer un canal propice à la communication avec l’Ecosse. Son frère, Pierre André O’Héguerty fut le biographe du prince Bonnie.
A ces fidèles, O’Héguerty, Walsh ainsi que Warren présents en France en 1760, vient s’ajouter Louise de Kéroualle, duchesse de Portsmouth, favorite et maîtresse royale. Sans oublier le bâtard royal : le duc de Derwentwater, petit-fils naturel de Jacques II, surnommé le feu de l’Enfer. Après avoir rejoint les Stuarts exilés à Rome, il repartira très rapidement pour l’Espagne en mission afin de servir le vieux prétendant Jacques III. Son frère James adhère également à la cause et sera décapité pour son implication dans le soulèvement de 1715. C’est le grand martyr jacobite.
Un autre jacobite, sir Hector James MacLeane verra le prince Bonnie à Paris dans l’hiver 1744-1745. Avec le soutien du duc de Richelieu, MacLeane met sur pied un projet ingénieux, dans la perspective d’une nouvelle rébellion jacobite. Parallèlement, il aurait participé en 1748 à une assemblée générale des jacobites exilés en France.
Une vieille famille liée aux Stuarts est la famille Ramsay, au sein de laquelle nous citerons Jean Ramsay, intime voire favori du Roi Jacques I, d’où la supposition d’une homosexualité entre les deux hommes. En 1760, nous relevons la présence d’une dame Ramsay à Paris, sans pouvoir l’identifier plus précisément. Allan Ramsay, poète écossais jacobite, visitera la colonie Stuart en son exil romain en 1786.
Mais le membre le plus important de la famille est incontestablement Andrew Michael Ramsay. Bien que les composantes biographiques dressées du personnage ne soient pas toujours concordantes, il semble néanmoins qu’il fut le fils d’un boulanger né en 1686 à Ayr en Ecosse. En provenance de Rome, il arriva à Paris en novembre 1724 pour devenir, dans les années 1730, une figure significative de la Franc-Maçonnerie française. Il doit sa position emblématique à son célèbre Discours, dans lequel il dénonce ouvertement le caractère bassement matérialiste des loges anglaises. Il propose une Franc-Maçonnerie chrétienne, spirituelle et chevaleresque, issue d’une Franc-Maçonnerie dite de Chevalerie nantie de hauts-grades, où le Glaive et l’Epée s’appuieront désormais sur la Truelle et le Maillet. Une affinité rosicrucienne apparait très perceptible. La thèse de la survivance des Templiers est avancée sous le voile d’une Maçonnerie spirituelle et chevaleresque. Il y a en réalité deux versions du Discours. L’une qu’il prononça à l’occasion de la nomination de Charles Radclyffe (alias comte de Derwentwater) à la Grande Maîtrise de la Maçonnerie française le 26 décembre 1736, et une deuxième version légèrement modifiée à l’intention du grand public.
Certains jacobites donneront leur vie lors de révoltes, nombreux seront ceux qui connaîtront une réelle misère due à leur exil et d’autres déserteront la cause jacobite pour diverses raisons, ainsi que cela a pu se produire à travers les âges et les continents.
Le Franc-maçon Christopher Wren sera nommé par Charles II à une chaire universitaire et employé par le Conseil Privé du roi. Après le grand incendie de Londres, il fut choisi pour dresser les plans de la cathédrale Saint-Paul de Londres. Architecte, C. Wren avait le projet de bâtir une centaine d’églises dans la ville de Londres, mais la mort l’en empêchera.
Robert Seton, Maître de la Loge Holyrood House en 1747-1748 obtiendra quant à lui le pardon royal malgré son activisme jacobite après le soulèvement de 1745.
Voilà bien une illustration de la diversité des destins.
Les jacobites, créateurs de la Franc-Maçonnerie française
D’après certains écrivains français, la première loge française fut créée à Paris, de source irréfutable, en 1726 sous le titre distinctif Saint-Thomas. Ses fondateurs sont des jacobites : Charles Radclyffe, sir James Hector MacLeane et Dominique O’Héguerty. En 1728, la première Grande Loge de France sera placée sous la direction du duc de Wharton, un anglais. Les mêmes auteurs français décrivent les loges de l’Obédience comme étant « des loges de britanniques et d’irlandais ».
En 1731, à l’anglais succèdera le jacobite convaincu Mac-Leane. L’auteur maçonnique Jean-Pierre Bayard nous rapporte que la Maçonnerie d’alors est ‘’une organisation fidèle à l’esprit jacobite’’. Outre la présence de Régiments écossais et irlandais en France, il semble que dès 1688 certains de leurs Membres se réunissaient en Loges, ainsi que le Grand Orient de France l’a notifié dans un document du 13 mars 1777.
S’agissant de la cause jacobite, L’auteur britannique, Franck McLynn est quant à lui catégorique sur le rôle des jacobites. selon son propos : « Le premier élan de la montée de la Franc-Maçonnerie dans le premier quart du XVIIIe siècle vint des Jacobites. Les grands noms de la naissante Franc-Maçonnerie étaient tous des partisans de la Maison des Stuarts : le duc de Wharton, le comte de Derwentwater, le chevalier Ramsay (tuteur de Charles Edouard en 1724). Les premières loges en Angleterre, France, Espagne et en Italie furent des clubs jacobites élargis. Beaucoup parmi les conseillers proches de James Stuart (le vieux prétendant) – le duc d’Ormonde, le comte de Marischal, même le membre du clergé anglican du Palazzo Muti (à Rome), Ezéchiel Hamilton – furent maçons. Au tout début des années 1730, la liste des noms s’est allongée pour inclure de nombreuses personnalités bien connues de ‘’45’’ (le soulèvement de 1745), tels que William Kilmarnock et Murray de Broughton. »
Les prétendants Stuart, Grands Maîtres héréditaires ?
Il nous paraît ici utile d’examiner brièvement la personnalité de ces Stuart appelés prétendants et sous la bannière desquels se sont enrôlés tant de Maçons.
Le fils de Jacques II, Francis Edouard fut nommé le Vieux Prétendant par opposition à son fils. Le roi de France le recon-naîtra comme roi légitime sous l’appellation de Jacques III. Catholique, il fut sous l’influence de l’archevêque Fénelon de Cambrai à Saint-Germain-en-Laye. Il pratiqua ainsi le stoïcisme jusque vers 1713, année de la signature du traité d’Utrecht dont certaines clauses le toucheront jusqu’à provoquer son expulsion de France. Il s’installera à Rome dans les Etats pontificaux et recevra des subsides du pape. Francis Edouard ne sera pas un grand artisan de la cause jacobite, et il est fort possible que son immobilisme ait pu être une des motivations de l’activisme de son fils, Charles Edouard.
Charles Edouard est un personnage tout autre. Si on lui donne le nom de Jeune Prétendant, il est davantage connu sous le sobriquet de Bonnie Prince Charlie. Il a démontré son courage à plusieurs reprises lors de sa participation physique à la révolte de 1745. Il ne fut pas un fin stratège politique ou militaire, et dans ce dernier domaine il n’a pas toujours su écouter les conseils avisés d’hommes du métier. La terrible défaite de Culloden, qui a sonné le glas de la cause jacobite, en est malheureusement la preuve. Toutefois, s’il est un homme d’action, ses revers de fortune le plongeront dans l’inaction et parfois dans une sorte de prostration accompagnée d’une forte consommation d’alcool. Pour la petite histoire, ce n’est pas un hasard si la fameuse liqueur écossaise Drambuie, dont l’étiquette précise l’origine d’une recette rapportée en Ecosse en 1745, est appelée liqueur du Prince Charles Edouard.
Cependant Bonnie est un personnage quasi mythique, pour les écossais, adulé dans ses apparitions, notamment l’une d’elles à Holyrood House, où la foule ne cessera de l’acclamer par des Houzza répétées. Dans les pubs écossais, il est fréquent de nos jours d’entendre encore chanter « Bring back my Bonnie » –ramène mon Bonnie.
La popularité de Bonnie sera plus grande que celle de son père, à tel point qu’il sera considéré comme le chef de file de la cause, ce qui ne manquera pas d’irriter le Vieux Prétendant jusqu’à envenimer leurs rapports et nuire inévitablement à la cohésion du mouvement.
Les Stuart sont-ils les Grands Maîtres héréditaires de la Franc-Maçonnerie, comme le suggère la tradition ou la légende ?
Parmi les contacts français de Bonnie, figurent des Frères : Montesquieu, le duc de Bouillon. Avec tant d’amis Maçons ou associés à la Maçonnerie, il est facile de donner crédit à la thèse de son initiation confirmée par son penchant naturel de discrétion et son goût du secret, d’autant que son intérêt marqué pour l’Ordre vers 1738 est attesté. Mais, son père et le jésuite Cordara surent l’empêcher de progresser dans sa curiosité.
Au-delà de sa légende persistante, Bonnie semble avoir intéressé à l’époque des personnalités de renommée, à tel point que Ferdinand duc de Brunswick envoya en mission en Italie le baron Wachter, dans le but de savoir s’il était bien le Grand Maître de toutes les loges maçonniques. Le 21 septembre 1777, Bonnie lui accorda audience au cours de laquelle le prince lui répondit n’avoir jamais fait partie de l’Ordre et que ce faisant il était impossible qu’il en fût le chef ou le supérieur,… mais il n’en demeurait pas moins intéressé financièrement. En effet, il aurait suggéré que si les Maçons eux-mêmes en étaient convaincus, il serait heureux d’en accepter le titre ! L’affaire dura trois années. En contrepartie d’un corps expéditionnaire de six mille prussiens pour une invasion de l’Ecosse, il accepterait de dévoiler le contenu de ‘’papiers’’ ayant appartenu à son père… L’histoire n’est pas claire et il pourrait bien s’agir d’une affaire de dupes tout simplement. Dans ces négociations, intervient le roi de Suède, Gustave III, qui parviendra à obtenir de Bonnie la patente de Grand Maître des Francs-Maçons, par le règlement de quatre mille dollars au Prince, et en parvenant de surcroît à arranger le divorce entre Charles Edouard et Louise de Stolberg.
La question continuera de préoccuper nombre de personnes entre 1786 et 1787, dont un théologien luthérien du nom de Friedrich Munter qui essayera d’engager avec le prince une conversation sur le thème de la Franc-maçonnerie. Mais, il constatera chez le prince des facultés mentales par trop diminuées.
Bonnie meurt en 1788 emportant sans doute avec lui le secret quant à la cause jacobite, laquelle se trouve à cette date définitivement enterrée par l’absence de descendance d’une part, et par réalisme politique d’autre part.
Certains ont voulu voir dans la révolte de 1820, née dans quelques grandes villes de l’Ecosse, une résurgence du mouve-ment jacobite. Il n’en a rien été, sinon la démonstration d’un sentimentalisme encore vivace au cœur des Ecossais.
La Franc-Maçonnerie, otage et enjeu politique ?
Un court retour en arrière permet d’examiner la situation politique en Angleterre au moment où Jacques II dût abandonner le trône.
Pour Jacques, monarque catholique avoué, régner sur trois royaumes bien différents relève de la mission impossible :
- en Angleterre, les anglicans sont majoritaires, suivis des dissenters (protestants essentiellement), en dernière position viennent les catholiques ;
- en Ecosse, les presbytériens sont majoritaires. Il n’y avait en fait que peu de catholiques ;
- en Irlande, les catholiques en revanche sont majoritaires. Viennent ensuite dans l’ordre décroissant les presbytériens et les protestants, enfin les épiscopaliens.
S’ajoute à cette répartition géographique, un parlement anglais turbulent et jaloux de ses prérogatives, lorsqu’il ne tente pas de les élargir au détriment de celles de la royauté.
L’impartialité oblige à reconnaître qu’aucun des rois Stuart n’a été un foudre de guerre. En effet, ils font finalement pâle figure à côté de leur prédécesseur Elizabeth I ou de leur contemporain Louis XIV.
Si Jacques II a pu jouir de la ‘’sainteté’’ attachée à sa personne royale dans l’opinion populaire, il ne faut pas ignorer que son accession au trône, en tant que catholique, avait posé moult problèmes. Les jacobites réalistes en sont parfaitement conscients et savent que tout retour sur le trône est soumis à une acceptation de certaines données politiques incontournables. Selon eux, le roi devait consentir à régner en catholique par sa dévotion, mais en protestant par son gouvernement.
C’est le point de vue de la majorité des jacobites. Les compounders anglicans, qui veulent la conservation de l’Eglise anglicane et de l’Ancienne Constitution, sont favorables au pardon général mais prônent l’arrêt des mesures permettant l’avancement du catholicisme.
En face, se trouvent les jacobites non compounders qui refusent de sacrifier les pouvoirs traditionnels de la monarchie et les intérêts catholiques. Ils sont opposés au pardon général.
En septembre 1697, la paix est signée à Rijswijk (ville hollandaise des faubourgs de La Haye). La cause des Stuarts est de moins en moins soutenable, bien que Louis XIV reconnaisse le fils de Jacques II comme souverain légitime sous le titre de Jacques III.
Laissons une nouvelle fois la parole à l’historien britannique, Franck McLynn : « la décade 1730-1740 vit l’infiltration des loges par les services secrets britanniques. La Franc-Maçonnerie, au lieu d’être une société secrète jacobite, devint une cinquième colonne hanovrienne. Alerté par James Stuart (le Vieux Prétendant), le pape Clément XII ne manqua pas d’envisager l’inquisition papale contre les Maçons. Les loges adoptèrent un profil bas et attendirent que l’orage passe. Il ne passa pas. »
Les loges militaires fondées en 1688 par Jacques II à Saint-Germain-en-Laye bénéficient d’un soutien papal : Jacques II est un ardent défenseur du catholicisme, et en opposition orangistes et hanovriens sont protestants. Il est donc fort possible que l’interdiction pontificale de 1738 s’adresse aux loges orangistes. Franck McLynn dit à ce sujet : « Presque certainement le motif principal de l’action dramatique de Clément XII en 1738 était que les hanovriens s’étaient assuré une importante victoire dans la bataille d’espionnage anti-jacobite en amenant les loges sous une direction anti-stuart. »
Tout cela éclaire d’une lumière nouvelle et autre la création de la Grande Loge de Londres.
Les jacobites étant les principaux gardiens et propagateurs de la Franc-Maçonnerie, la création de la Grande Loge de 1717 n’est qu’une entreprise des whigs hanovriens en vue de briser un monopole jacobite.
Guillaume d’Orange et Mary (fille de Jacques II) occupèrent le trône d’Angleterre, puis ce fut Anne I Stuart jusqu’en 1714.
En vertu de l’Act d’Establishment de 1701, George, électeur d’Hanovre, accède au trône. Les trois premiers rois de la Maison d’Hanovre sauront faire de l’Angleterre le plus parfait exemple d’un gouvernement éclairé. Ils savent qu’ils doivent cette image à la Franc-Maçonnerie anglaise, laquelle a fortement contribué à leur victoire et à leur maintien. Liés par une collaboration de plus en plus étroite, des membres de la famille royale en deviendront les Grands Maîtres. En témoigne la multiplication dans toute l’Europe des loges anglaises qui supplantent les loges jacobites, notamment en France.
L’Ordre maçonnique au XVIIIe siècle constitue un nouveau ciment entre des peuples de différents horizons. Il est l’organe fédérateur qui se veut être un facteur d’unité touchant tous les hommes éparpillés d’un continent désormais fragmenté.
L’Ordre occupe un vide accru depuis l’émergence des mouvements réformateurs, pour jouer un rôle que l’Eglise romaine ne parvient plus à tenir.
Toutefois si l’Ordre invite à une méthodologie, il ne prétend pas offrir une théologie. Néanmoins pour Rome, l’Ordre est considéré comme une organisation internationale ou multinationale et par là-même un rival dangereux non négligeable, dans la mesure où celui-ci serait bien susceptible de se substituer à l’institution de l’Eglise.
L’Ordre pourrait bien proposer une alternative philosophique, morale, voire spirituelle et même théologique !
Après l’échec de Bonnie en 1745, la Franc-Maçonnerie jacobite survécut dans des Hauts-Grades au sein de la Grande Loge d’Irlande, en terre catholique. Elle se trouvait alors purgée de son contenu politique par la toute puissante Grande Loge de Londres. Ainsi ce qui n’était qu’une déviation du courant principal devint un bastion de l’Establishment.
Dans ce même temps, l’arrivée heureuse (pour les Anglais) des Constitutions d’Anderson constitue l’opportunité la plus favorable à la dissipation, une fois pour toutes, des soupçons d’activité politique subversive des loges anglaises. Mieux, ces Constitutions se placeront très rapidement sous les auspices de la nouvelle Maison régnante de Hanovre. Force est de constater, dans un esprit objectif, que cette Maçonnerie, synonyme de tolérance religieuse et prometteuse de réussite, produira Outre-Manche un engouement certain qui aura pour effet de conférer un caractère exemplaire au gouvernement anglais.
Grades jacobites et Maçonnerie chevaleresque
Les loges jacobites se distinguent des loges anglaises et de la plupart des loges non britanniques, notamment celles com-posées de Maçons anciens acceptés, par leur pratique d’une longue échelle de Degrés. En effet, elles mettent l’accent sur quelques grades de la Chevalerie suivant en cela la voie tracée par le frère jacobite Ramsay en son fameux Discours, mais aussi du courant rosicrucien.
Le rituel du troisième Grade, celui de Maître-Maçon, diffère de celui des autres rituels en usage, bien que le meurtre d’Hiram Abi en soit le sujet central. Différentes sources de lecture nous indiquent que ce drame mythique était interprété par des Maçons opératifs. Ces scènes étaient produites les jours de fêtes religieuses par des acteurs vraisemblablement membres de guildes professionnelles.
De la sorte, ces Maçons opératifs prenant place dans ces représentations des Mystères, parfois aussi appelés miracles, seraient à la source de nos Rites. Les rituels se rapprochant des mythes, dont celui du meurtre du Maître et celui du Temple de Salomon, et ils nous rappellent les légendes de jadis tout en renvoyant l’image des sacrifices nécessaires à la sanctuarisation d’un site.
Pour en revenir au Rite Ecossais Primitif pratiqué par les jacobites, nous remarquons les armoiries de Jacques I arborées de quatre roses rouges disposées de façon à justifier le nom de Rose-Croix Jacobite.
Pour l’auteur d’ouvrages maçonniques, Jean-Pierre Bayard, « le mouvement templier aurait joué un rôle sur la maison des Stuarts ». Il ajoute : « c’est en 1688 que l’on situe l’introduction de système templier en France. Il y fut amené par Jacques II, roi d’Angleterre […] ».
La Maçonnerie chevaleresque au XVIIIe siècle est réservée à un corps que l’on peut qualifier d’élite de la société. On y retrouve effectivement des hommes tels que Goethe, le philosophe G.E. Lessing et Wolfgang Amadeus Mozart ! En 1741, le baron de Hund sera reçu en maçonnerie, celle strictement templière. En 1763, ce même baron sera à l’origine de la résurgence du rite templier au sein de la Stricte Observance.
[1] De cette Bataille victorieuse pour les Ecossais, est issue la Marche de Robert Bruce que le REP a retenue pour l’ouverture et la fermeture de ses Travaux (cf. Rituel du premier Grade, page 149).
[2] Selon le Cours oral de franc-maçonnerie symbolique en douze séances (H. Gauchois) – 1863, « le mot franc-maçonnerie, abrégé de franche-maçonnerie, comprend, suivant le langage grammatical, le substantif maçonnerie et l’adjectif franche, qui présentent chacun une double signification. Ainsi, dans le sens physique, la maçonnerie est l’art de construire des édifices matériels, avec plus ou moins d’habileté ; et, dans le sens moral, la maçonnerie est l’art d’élever dans son propre cœur un temple vertueux à la gloire du Grand Architecte de l’Univers. La première constitue la maçonnerie de construction ou artistique, et la seconde, la maçonnerie morale ou philosophique. Maintenant, l’épithète franche, appliquée à la maçonnerie artistique, pourra bien exprimer des franchises, c’est-à-dire des privilèges et exemptions d’impôts accordés à quelques sociétés de maçons constructeurs, pour encourager et favoriser leurs travaux ; mais si elle s’applique à la maçonnerie philosophique, elle indiquera l’affranchissement des mauvaises passions, qui détourneraient les initiés du chemin de la vertu. »